Prévention à GenèvePourquoi il faut faire tomber les bastions masculins dans la police
Des élus invitent à féminiser la corporation, composée de 16% de femmes, pour prévenir le harcèlement sexuel.

C’est l’histoire d’un article qui n’a pas laissé la classe politique indifférente. Ce récit paru dans «Le Temps» en octobre 2020 dénonçait l’omerta qui règne quant au harcèlement sexuel au sein des polices genevoises et vaudoises. En réponse à plusieurs interventions parlementaires à ce sujet, la Commission de contrôle de gestion du Grand Conseil détache trois de ses membres pour enquêter. Ils vont auditionner de nombreux acteurs pendant un an.
Dans son rapport présenté mardi, cette «sous-commission» conclut que le harcèlement est bien une réalité au sein du corps de police, que les «comportements inopportuns» existent et que les cas genevois ont fait l’objet de sanctions. S’ensuit une longue série de recommandations.
Enjeux de recrutement
Première piste évoquée pour prévenir les dérives dans le climat de travail: la féminisation du corps de police. Les femmes ne représentent aujourd’hui que 16% de cette corporation. «La littérature montre que dans les secteurs fortement masculins, on voit la dynamique basculer quand il y a au moins 30% de femmes, relate Nicole Valiquer Grecuccio, députée autrice du rapport. Cette théorie est aussi relayée par le 2e Observatoire (ndlr: une association reconnue comme centre de compétence en matière de souffrance et de harcèlement au travail) qui a une expertise très forte en la matière.»
«En raison du vieillissement de la population, le bassin de recrutement de jeunes hommes se réduit, donc si la police ne veut pas se retrouver avec une baisse d’effectifs, elle doit recruter au féminin.»
L’élue y voit de plus un double enjeu, car c’est, selon elle, l’opportunité de répondre aux problèmes de recrutement dans la profession. «Pourquoi? En raison du vieillissement de la population. Le bassin de recrutement de jeunes hommes se réduit, donc si la police ne veut pas se retrouver avec une baisse d’effectifs, elle doit recruter au féminin.»
Une crèche et du temps partiel
Autre recommandation du trio: intégrer une crèche au nouvel Hôtel de police et offrir la possibilité de travailler à temps partiel à tous, dans l’ensemble des services. Et cela, sans que le pourcentage perdu pour une personne ne le soit pour le service. «La possibilité de demander le temps partiel existe mais est encore un écueil dans certains secteurs comme Police-secours (ndlr: les interventions d’urgence), vu les horaires pratiqués.» De plus en plus d’hommes en feraient la demande, surtout depuis les années 2020, il s’agirait donc là aussi d’un «enjeu de recrutement».
La sous-commission recommande aussi de veiller au choix du matériel. «En combinaison d’intervention, il est impossible d’aller aux toilettes pour une femme, avec ce que ça implique quand on est mobilisé 12 heures…», évoque Nicole Valiquer Grecuccio.
Sur l’aspect prévention, le rapport mentionne l’importance de communiquer les décisions de sanctions «pour rappeler le principe de tolérance zéro». Il ressort également que le Groupe de confiance de l’État est très peu connu, surtout des jeunes policiers, et peu privilégié en cas de problème.
La sous-commission salue au passage les efforts faits par la police genevoise qui a organisé un sondage en son sein (selon lequel une personne sur deux a subi des commentaires dégradants ou obscènes et 5% ont vécu un «contact corporel indésirable») et invite l’administration en général à en faire de même.
Le Conseil d’État devra se prononcer sur ces recommandations ultérieurement dans le processus parlementaire.
Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.