Festival de la jeune créationPour ses 10 ans, C’est déjà demain exalte onze compagnies débutantes
Vouée à défendre la production émergente, la manifestation printanière reprend du service et occupe désormais quatre théâtres de la place.

Il y a ceux qui sortent des hautes écoles diplôme en poche, et se lancent, tout frais, sur le marché des arts de la scène. Et il y a ceux qui occupaient d’autres fonctions dans le monde du théâtre avant de s’aventurer dans la création proprement dite. Pour exister, tous ont besoin de visibilité, tant auprès des programmateurs qui les engageront qu’auprès du public qui les applaudira. Et tous transportent dans leur besace, qui une maquette, un coup d’essai, un spectacle de fin d’études, un premier ou deuxième projet. Pour accompagner la relève dans sa progression vers la lumière, le Théâtre du Loup avait conçu, en 2010 déjà, la plateforme C’est déjà demain (CDD), qui n’a cessé de s’étoffer depuis.

Quelques moutures ont d’abord vu le jour sur les bords de l’Arve – avec une ou deux incursions à la Comédie des Philosophes ou à La Gravière adjacente. Cette semaine, après une édition sacrifiée en 2020 suivie d’une autre réservée aux seuls professionnels en 2021, voici poindre un CDD.10 en pleine santé, défenses immunitaires au top, tout replet avec ses onze titres placardés sur les devantures de quatre salles genevoises désormais. La jachère semble avoir été profitable. Seul bémol peut-être, l’absence d’un site internet dédié à la manifestation: il faut, pour en cueillir les fruits, consulter les pages web de chaque théâtre partenaire.

Dès mardi et jusqu’à dimanche, le Loup garde le lead en enchaînant six propositions à lui seul. Au nombre des curiosités, on trouve une adaptation du film «Le camion» de Marguerite Duras, dans laquelle Louise Bentkowski et Sahar Suliman reproduisent en direct les dialogues du chauffeur poids lourd et de l’auto-stoppeuse. La danseuse Emmelien Chemouny explore de son côté la fluidité organique dans «Between You and the Gaps». Sur la musique de Queenie Fernandes, la performeuse Eva Lambillon «s’affirme sorcière» via une «Wanda» née dans le sillage de l’essai signé Mona Chollet. Clémentine Le Bas, elle, s’inspire de la poétesse Mariette Navarro pour activer le flux et le reflux de ses «Écumes», tandis qu’Alexia Hebrard, Isaline Prévost Radeff et Georgia Rushton superposent à la notion de bonté celle de sororité dans «Les bonnes sœurs à contresens». Enfin, Arianni Camilli fait «L’idiote» qui perd ses moyens devant l’être aimé. À noter que la salle mère accueillera samedi dès 22 h 30 la grande fête des 10 ans du festival.

L’Abri prête ses deux adresses, à la Madeleine et à Carouge, aux compagnies respectivement de Pierre-Angelo Zavaglia et Louis Bonard, tous deux artistes associés de l’incubateur ces dernières saisons. Le premier exploite le pétrole vénézuélien comme matière première de «Crudo y pesado», une enquête entre documentaire et fiction. Et le second profite du climat catastrophiste pour mieux penser le futur dans «L’Apocalypse – épisode 1: Le début de la fin». Deux spectacles seront également présentés à Saint-Gervais: avec «My Hair Woke Up Horny as Fuck», Alexandra Shéhérazade Salem sonde désir, fantasme et self love; dans «Les papillons la nuit», Sarah Eltschinger suit les déboires existentiels d’ouvriers agricoles biélorusses. Pour finir, le Grütli programme une «Serveuse» conçue derrière son propre bar, où l’artiste Marie van Berchem gagne sa vie quand elle ne crée pas.
C’est déjà demain.10, soit onze créations émergentes et une fête anniversaire, du 5 au 10 avril au Théâtre du Loup, à L’Abri, au Théâtre du Grütli et au Théâtre Saint-Gervais.
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