Pour Pékin, l'accès aux WC est un besoin urgent
La Chine – où des millions d'individus souffrent du manque de structures sanitaires – mène sa «révolution des toilettes» tambour battant.

La révolution du Grand Timonier était culturelle, celle de Xi Jinping est sanitaire. Depuis 2015, le président chinois a fait de la réfection des toilettes publiques une priorité nationale. Objectif: relever le standard (désastreux) des lieux d'aisances. En trois ans, près de 70 000 bâtiments ont ainsi été construits ou rénovés, et Pékin projette d'en créer 64 000 autres d'ici à 2020. Et la «révolution des toilettes» ne s'arrête pas là. Elle s'étend désormais à l'ensemble de ce pays de 1,4 milliard d'habitants.
Réputation internationale de la deuxième économie mondiale oblige, l'accent a d'abord été mis sur les sites touristiques, afin de rendre ces lieux moins rebutants pour les étrangers. Dans certaines grandes villes, de spacieuses toilettes publiques vont même jusqu'à offrir des bancomats, du Wi-Fi, des stations de recharge pour les mobiles et… des distributeurs de papier hygiénique à reconnaissance faciale, pour limiter les abus et les vols, un véritable fléau, paraît-il. Un luxe qui fait grincer des dents dans les zones rurales, où les WC se résument encore le plus souvent à une rangée de fosses séparées par un muret à hauteur de tête, sans porte ni lavabo.
Près de 900 millions de personnes sont condamnées à se soulager en plein air
Morgane Anziani, chargée de projets à l'ONG Global Institute for Water, Environment and Health (GIWEH)
«Ce n'est pas un problème mineur, mais un aspect important de l'amélioration des infrastructures dans les zones urbaines et rurales», martelait récemment le leader de l'Empire du Milieu, pour qui les «sanisettes» sont le baromètre d'une civilisation. Certes, le niveau de vie des Chinois a augmenté de façon spectaculaire ces dernières années, mais les conditions de vie restent médiocres, en particulier pour les 600 millions de citoyens vivant dans les campagnes. Selon le quotidien «South China Morning Post», 57 millions de Chinois n'ont toujours pas de cabinets et 17 millions sont confrontés à de graves problèmes d'hygiène. La révolution lancée par l'Oncle Xi est donc loin d'être achevée.
Risque majeur
Dans ce combat, le secrétaire général du Parti communiste chinois s'est adjoint un allié de taille: Bill Gates lui-même. Le fondateur de Microsoft a fait des toilettes son nouveau cheval de bataille. Depuis sept ans, le milliardaire consacre une partie de sa fortune à la recherche en matière d'accès universel aux WC.
Au début de novembre, c'est avec un pot d'excréments à la main qu'il a rendu hommage aux efforts faits par la Chine pour améliorer les installations sanitaires, dans le cadre du premier Salon des toilettes réinventées, organisé par sa fondation. «Éliminer tous ces déchets humains est la clé pour la santé humaine», a déclaré «le philanthrope» américain, qui s'est empressé d'ajouter que le marché des nouvelles technologies d'assainissement pesait potentiellement 6 milliards de dollars par an.
Un individu sur trois
Plus largement, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que pour chaque dollar américain investi dans l'assainissement, le retour sera six fois plus élevé en termes de réduction des dépenses de santé, de gain de productivité et de baisse du nombre de décès prématurés. Alors que les pertes économiques causées par le manque d'infrastructures sanitaires adaptées sont estimées à 223 milliards de dollars.
«Actuellement, 2,3 milliards de personnes ne disposent pas de toilettes ou de latrines correctes. Pire, près de 900 millions d'entre elles sont condamnées à se soulager en plein air», rappelle Morgane Anziani, chargée de projets à l'ONG Global Institute for Water, Environment and Health (GIWEH), basée à Genève. «Ce qui entraîne des maladies hydro-fécales à l'origine de plus de 1,5 million de décès par an. Quelque 360 000 enfants meurent directement d'un manque d'assainissement», poursuit la chercheuse, précisant que «c'est l'une des premières causes de mortalité des enfants de moins de 5 ans».
Les femmes plus affectées
Ce problème sanitaire se répercute aussi sur le plan économique et social, explique Morgane Anziani. «Les gens qui tombent malades ne travaillent pas ou beaucoup moins, ce qui peut limiter la croissance économique d'un pays.» Et le manque d'accès aux commodités affecte davantage les filles et les femmes. «Nombre d'écolières renoncent à se rendre à l'école en période de menstruation», ajoute la spécialiste, qui évoque également les agressions auxquelles s'exposent les femmes obligées de pratiquer la défécation à ciel ouvert.
L'ONU, qui considère l'accès à l'eau et à un réseau d'assainissement adéquat comme un droit fondamental depuis 2010, a décrété le 19 novembre Journée mondiale des toilettes. Les autorités chinoises, elles, n'ont pas encore fait «le grand bond», mais un pas de plus en qualifiant l'événement de «Journée mondiale des toilettes et de sensibilisation à la révolution des toilettes en Chine».
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