Face-à-facePour ou contre la maturité sans examens
Jean Romain et Marjorie de Chastonay réagissent à la décision cantonale de ne pas maintenir les examens finaux.

Le 25 avril dernier, des étudiants demandaient dans une longue lettre au Département de l'instruction publique d'annuler la session d'examens de maturité. La réponse est venue le mercredi suivant. Ceux qui répondent aux critères d'obtention de la maturité ou du certificat de l'ECG à l'issue du 1er semestre 2019-2020 obtiennent leur titre. Jean Romain réagit et Marjorie de Chastonay explique.
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Maturité: l'octroi du certificat est dévalorisé

Le Conseil fédéral a laissé aux cantons le choix d'organiser ou non des examens écrits de maturité 2020. Certains cantons le feront. Sans surprise, Genève a décidé de ne pas faire passer ces examens.
C'est une erreur parce qu'un tel examen final, en raison de son importance, en raison de sa place au terme d'un cursus de quatre années au collège de Genève, comporte plusieurs buts.
D'abord, évidemment, tester les connaissances acquises. Il est important d'évaluer ce qui est acquis et c'est le premier but de cet examen. Cependant, on aurait pu s'arrêter à ce qui a été appris jusqu'au jour où l'école a dû fermer ses portes. La bouillie de « l'enseignement à distance », pur jeu spéculatif pour donner bonne conscience au département, est une catastrophe qui n'a même pas amusé la galerie pédagogo, et il était illusoire d'en attendre quelque chose. Qui plus est, un département responsable aurait dû être clair: c'est du cosmétisme. Et il aurait fallu le dire à tous.
Ensuite, l'examen de maturité est une reconnaissance sociale. En effet, on reconnaît au candidat le fait qu'il ait travaillé durant des années, qu'il ait tenu bon sur sa ligne, malgré des tempêtes parfois, donc malgré les doutes et les difficultés. C'est cette reconnaissance qu'on refuse aux candidats en renonçant à l'examen. Dévaloriser l'octroi du certificat de maturité, c'est ne pas valoriser le travail fourni ni la volonté individuelle qu'il a fallu y apporter. Car faire des études est aussi une affaire de volonté.
Enfin, cet examen est une sorte de rite de passage. Non seulement un rite de passage personnel vers l'âge d'homme, mais une entreprise collective: c'est ensemble qu'on passe ces épreuves, et c'est ensemble qu'on bataille pour y arriver. Je connais peu de gens qui aient oublié ces jours de tension, ces heures d'enjeu, et finalement de satisfaction intense pour l'immense majorité.
Il faut, pour l'avoir vécu, voir la joie, les larmes de joie, les cris de joie, d'avoir réussi l'examen final au moment où les directions affichent les résultats officiels. Et il faut constater la fierté aussi des étudiants, y compris la fierté des parents, parce que, d'une certaine manière, la famille passe en même temps l'examen!
Mettre sur pied ces épreuves écrites était une tâche à la portée des établissements genevois. Les école privées (Florimont ou Moser) étaient prêtes à le faire. La pusillanimité du DIP de Genève n'étonne personne ; abonné à la médiocrité, se contentant de faire semblant, le département signe un acte de petitesse. Un de plus. Cependant je connais des profs responsables et conscients des enjeux de cet examen de maturité, qui proposaient, puisque le temps manquerait après la réouverture de juin, de prolonger l'année scolaire de la volée des maturants jusqu'à la mi-juillet, afin de mener à terme le cursus. Mais le DIP ne les a pas entendus. Claquemuré dans ses certitudes, le DIP en fait n'entend jamais personne.
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Une volée qui en a vu de toutes les couleurs!

Des milliers de jeunes n'auront pas besoin de passer leurs examens de maturité pour valider et faire reconnaître leur cursus scolaire. Cette décision s'aligne sur tous les cantons romands ainsi que Berne, Zurich et Bâle, excepté Fribourg. Genève est le canton de Suisse le plus touché par la pandémie de Covid-19. Les écoles sont encore fermées, même si elles se préparent activement au déconfinement. Or, la rentrée du secondaire II est prévue le 8?juin.
De leur côté, les collégien.n.e.s ont pris l'initiative de se faire entendre. N'est-ce pas aussi cela qu'on apprend lors des études: le développement de l'esprit critique et le sens des initiatives? Cette génération d'élèves gardera les stigmates des événements de cette année. Rappelez-vous, il y a quelques mois, les marches pour le climat, la grève des femmes, la Marche des fiertés et ensuite la pandémie de Covid-19. Comment ne pas prendre en considération les revendications d'une jeunesse mobilisée et consciente des enjeux qui menacent notre planète et notre système?
Supprimer une session d'examens, bien que finaux, ne signifie pas annihiler les quatre années d'études accomplies. La maturité est un certificat d'aptitude aux études. Il s'agit d'une validation d'un parcours scolaire composé d'une grande majorité d'évaluations formatives. Les notes de l'année reflètent davantage l'assiduité, la régularité, la ténacité des élèves plutôt que l'aptitude à gérer le stress d'examens finaux, avec un bourrage de crâne permettant de ressortir une quantité monstrueuse de connaissances qui seront vite oubliées puisque vite apprises. Au final, ce qui compte est ce qui reste: le développement des compétences sur les connaissances. Reconnaître la capacité d'analyse sur le long terme plutôt que la gestion des émotions à court terme.
Cette volée 2020 a connu l'enseignement numérique en milieu confiné, sans forcément avoir les bons outils ou la connexion idéale, la solitude, parfois le décrochage, l'incertitude du lendemain, le stress de se retrouver face à des examens sans avoir eu le temps ou les moyens de réviser dans des conditions «normales». Ces étudiant.e.s n'ont pas pu bénéficier des cours d'appui et des répétiteurs. Ils ont dû gérer ou subir leur vie de famille au quotidien, sans filtre et avec les effets des conséquences liées à la crise sanitaire, devenue crise économique et maintenant sociale. Les conditions sanitaires, organisationnelles et sociales ne permettent donc pas de garantir l'égalité des chances de toutes et tous.
Le soir, j'applaudis non seulement le personnel soignant, mais aussi tous les jeunes que je félicite pour l'obtention de leur maturité! Même si l'avenir est incertain, la maturité 2019-2020 est historique. En cela, sa valeur n'est que démultipliée et les universités la reconnaîtront. Ce ne sera pas une volée blanche, bien au contraire, elle sera verte, violette, arc-en-ciel, une volée solidaire qui en a déjà vu de toutes les couleurs!
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