Invasion de l’UkrainePologne et OTAN: remettons l’église au milieu du village
L’OTAN n’a pas été poussé vers l’est par les États-Unis. Ce sont les pays de l’Est qui ont, comme la Pologne, souhaité entrer dans une alliance qui les protège du voisin russe.

J’entends bien aujourd’hui de nombreux experts dont plusieurs amis expliquer que ce qui se passe en Ukraine est la résultante de décennies de mépris et brimades des Occidentaux envers la Russie après la chute du mur de Berlin en poussant toujours plus loin les limites de l’OTAN alors que le pacte de Varsovie s’était dissous. Je peux entendre ce discours et souscrire partiellement à cette analyse. Néanmoins, traînant mes guêtres en Pologne depuis 1976, soit depuis 46 ans, je peux aussi comprendre qu’une fois libérée de la chape de plomb du communisme, la Pologne ait souhaité dès 1989 adhérer d’une part à l’Union européenne, d’autre part à l’OTAN.
Vu de Varsovie, une justice rendue à ce pays qui a tant souffert du nazisme et qui a été, "sacrifié à Yalta" sur l’autel de la Realpolitik quand bien même les soldats polonais avaient versé leur sang à Tobrouk, Monte Cassino, dans le ciel d’Angleterre et dans la bataille de Falaise afin de défendre le Royaume-Uni et le monde libre. Un monde libre qui a laissé tomber la Pologne dans l’escarcelle soviétique à Yalta sans aucun état d’âme. Faut-il s’étonner dès lors qu’en 1989, les Polonais enfin libérés aient eu envie de rejoindre l’Union européenne et l’OTAN? La réponse est sans appel, c’est non. Et ce qui fut valable pour la Pologne le fut pour d’autres pays de l’ancien bloc de l’Est.
J’ai vécu de l’intérieur la cérémonie marquant le 15e anniversaire de l’adhésion de la Pologne à l’OTAN le 12 mars 2014. Je peux vous assurer que personne ne ressentait alors la "main machiavélique de l’Amérique". Ce qui flottait dans l’air, c’était un sentiment qui exprimait le soulagement et la fierté d’un pays ayant pu enfin s’affranchir d’une part de la tutelle du voisin russe et, d’autre part, d’avoir enfin pu laver l’humiliation d’avoir été sacrifié à Yalta par *ses" alliés occidentaux. Un pays qui, se sentant profondément européen, s’était décidé tout de même à faire confiance à ces mêmes Occidentaux et à solliciter son entrée au sein de l’UE et de l’OTAN?
En 2014, j'en ai été le témoin, il ne fallait pas y voir "la main du diable, ou de l’Amérique", ce qui est aujourd’hui la même chose aux yeux de certains experts autoproclamés qui ne connaissent rien d’autre que la "caisse à sable" et les sunlights complaisants. Heureusement, nous avons à Genève d’autres talentueux intellectuels et diplomates qui connaissent bien le sujet et qui sont en mesure de remettre les pendules à l’heure. Je ne citerai pas leur nom, ils se reconnaîtront.
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