Menace aux portes de la SuissePeu informés, les amateurs de poules pourraient favoriser la grippe aviaire
Contrairement aux professionnels habitués à respecter des normes sanitaires très strictes, les possesseurs par hobby ne connaissent souvent pas les règles auxquelles ils sont soumis.

Navré pour le virus du Covid-19, mais il n’a pas l’apanage de donner des cheveux blancs aux responsables sanitaires en ce moment. Son collègue provoquant la grippe aviaire, une maladie qui comme son nom l’indique touche les volatiles, se rapproche dangereusement de la Romandie depuis la France et l’Allemagne. Le 22 janvier dernier l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV) a d’ailleurs ordonné des mesures pour les élevages bordant le lac de Constance.
On n’en est pas là dans le Canton de Vaud, mais on s’y prépare. Le 13 janvier, le vétérinaire cantonal Giovanni Peduto lançait par communiqué un appel à la vigilance. Sa cible principale: les détenteurs de quelques dizaines de poules. «Je n’ai aucune inquiétude avec les éleveurs professionnels, qui connaissent et appliquent les mesures. Ni d’ailleurs avec les particuliers ayant deux ou trois poules et qui pourraient donc facilement trouver des solutions pour les empêcher d’être en contact avec les oiseaux sauvages. Mon souci, ce sont les détenteurs amateurs possédant entre 10 et 50 poules.»
Un quart de détenteurs de poules en plus
Il faut dire que le gallinacé est tendance, même dans un endroit où on n’était pas habitué à en croiser: en ville. Il constitue en effet un bon moyen de recycler ses déchets alimentaires, tout en offrant des œufs en échange de surcroît. Et lors du confinement du printemps passé, il est quelquefois apparu comme une source de divertissement pour les enfants. Résultat, alors que le Canton dénombrait 1400 possesseurs de volailles à fin 2016, ils seraient 1750 à ce jour, soit une augmentation de 25% en quatre ans. «Et plus du 80% de ces propriétaires sont des détenteurs amateurs», souligne le vétérinaire cantonal.
Habitante de Penthéréaz, Melina Touati est pile dans cette catégorie: «Durant le confinement, nous avons discuté avec un voisin qui avait quelques poules dans un carré d’herbe en face de chez nous. Ayant des enfants en bas âge (ndlr: 4 et 5 ans et demi), je me suis dit que s’en occuper pourrait être une activité sympa, qui les initierait en plus à la responsabilité de s’occuper d’un animal.» Au final, le projet a réuni trois familles, qui chouchoutent une dizaine de poules, trois lapins et deux chèvres naines. Une petite ménagerie gérée grâce aux connaissances de certains et aux conseils glanés sur internet.
Prise de conscience
«Par rapport à la grippe aviaire, j’avais vu passer deux trois choses sur internet, mais c’est quand un voisin nous a transmis le communiqué du vétérinaire cantonal que j’ai vraiment pris conscience de la situation, explique la jeune maman. On a donc bricolé un système pour que les oiseaux sauvages ne puissent plus accéder à la nourriture des poules. Mais je ne sais pas comment on fera si on doit tout grillager.»
«Le virus est extrêmement contagieux et le risque d’en perdre le contrôle élevé. Et c’est alors toute la filière qui serait impactée.»
Le problème est que contrairement à cette habitante du Gros-de-Vaud, une grande partie des amateurs ignore tout ou partie des consignes qu’elle doit respecter. À commencer par l’obligation d’annoncer. Cette situation fait frémir Philippe Verly, agriculteur à Corcelles-sur-Chavornay et engraisseur pour la grande distribution de près de 90’000 poulets par an, par tranches de 12’000. «Il est vraiment important que toute personne détentrice de volailles s’annonce, car le virus est extrêmement contagieux et le risque d’en perdre le contrôle élevé. Et c’est alors toute la filière qui serait impactée.»

Pour son propre élevage, l’arrivée de nouvelles mesures ne serait pas un problème. «Suite à l’épidémie d’H1N1 qui avait démarré en 2004, toute la filière a gardé les bonnes habitudes: nous changeons de souliers pour entrer dans les poulaillers, portons des protections sur nos vêtements et nous nous désinfectons les mains, comme tout le monde a appris à le faire depuis l’an passé.» Et de relever au passage, un peu aigre-doux, que le prix du gel hydroalcoolique qu’il utilise tous les jours a grimpé de 40% depuis l’apparition du Covid.
Poulets frileux
Pas de problème non plus du côté du jardin d’hiver – «l’aire à climat extérieur» dans le jargon – qui est de toute façon équipé d’un grillage serré. Son but? Protéger les poulets des fouines et renards, mais aussi des mouches qui disséminent le campylobacter. Cette bactérie, présente partout dans la nature, contamine une part importante de la production de viande de poulets. C’est elle qui oblige à bien cuire la viande avant de la consommer et à ne pas réutiliser les planches et couteaux avant de les avoir bien nettoyés. «La seule différence pour nous se produirait en arrivant au second niveau de confinement: les poulets ne pourraient plus accéder à leur jardin d’hiver. Mais pour l’instant, ils n’y vont de toute manière pas, car il fait trop froid.»
Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.