
Ronaldinho vient d’une planète où le football est une expérience charnelle. Les épaules qui roulent, les hanches qui balancent, les sens qui frétillent. Ici, le ballon se bécote en public, au corps à cuir, en se fichant pas mal du regard oblique des passants honnêtes. Une parade amoureuse – grande roue et petit pont – autant qu’une chorégraphie du jeu: le plaisir charnel est toujours ludique. Là où certains souffrent un sport, «Ronnie» voit une immense fête.
Jusqu’à faire de sa plus grande force son péché mignon: le Brésilien n’a jamais rechigné à donner de sa personne, confondant le terrain avec une piste de danse et inversement. De toutes les destinations de sa carrière (Paris, Barcelone, Milan, en suivant la migration des oiseaux de nuit), il n’a que peu vu la lumière du jour. Ronaldinho aurait pu prétendre à mieux encore – le mieux est parfois l’ennemi du bien – s’il avait modéré son goût pour la vie nocturne. Mais il n’aurait alors pas été Ronaldinho, ce génie créatif total, capable d’inventer un geste technique aussi dare-dare qu’il s’envoyait un shot.
«Joga Bonito, définition: jouer beau, c’est jouer bien, jouer bien, c’est jouer beau.»
Pour autant, de toutes ses extravagances balle au pied, aucune n’a jamais servi autre chose que le jeu. Ici, pas question d’en mettre plein les yeux sans la mettre au fond. Joga Bonito, définition: jouer beau, c’est jouer bien, jouer bien, c’est jouer beau. Plus qu’une maxime, un sacerdoce, qui ambitionnait au quotidien de faire cohabiter l’étincelle de ses yeux d’enfant avec un regard de tueur. Un redoutable chasseur d’espace, briseur de reins émérite, maître frappeur – mais toujours avec le sourire.
Sur la corde raide, Ronaldinho n’a jamais vraiment trouvé le bon équilibre, ou alors seulement par intermittence. Pour tenir debout, il a choisi de s’appuyer contre le comptoir. Il ne fallait pas accabler là les symptômes d’un joueur en dilettante, mais pardonner au gamin devenu grand à contrecœur: le foot est un jeu d’enfants, mais un business d’adultes. Derrière ses inamovibles lunettes noires, il cache aujourd’hui encore les témoins de sa fragilité: donnez-lui un ballon, et voilà ses yeux qui dansent de bonheur.
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Le génial Ronaldinho – Pas question d’en mettre plein les yeux sans la mettre au fond
De toutes les lubies footballistiques qui sont nées de l’esprit créatif de la star brésilienne, toutes avaient pour ambition de servir le jeu avant d’amuser la galerie.