Papyrus a fait de 1093 sans-papiers des Genevois comme les autres
Le bilan à mi-parcours de l'opération lancée il y a un an est positif pour Pierre Maudet, lutte contre le travail au noir comprise.
Les premiers résultats de l'opération Papyrus ont été présentés mardi par le conseiller d'État Pierre Maudet ainsi que, notamment, Mario Gattiker, qui dirige le Secrétariat d'État aux migrations de la Confédération. «Papyrus est un projet au service de l'intérêt général, a martelé le responsable de la Sécurité et de l'Économie. Il permet à des personnes de sortir de la clandestinité et offre un moyen de lutter contre le travail au noir.»
Depuis février 2017, 1093 personnes ont été régularisées. Ce groupe est constitué de 244 familles, dont 374 adultes et 412 enfants, de 8 couples sans enfants et de 291 célibataires. Signe que le processus est bien maîtrisé, seuls quatre dossiers ont été refusés, trois par Berne et un par l'Office cantonal de la population et des migrations (OCPM).
2500 régularisations
Le dispositif a été mis en place en coordination et avec l'accord de la Confédération, mais sans modification du cadre légal. Il s'appuie sur la connaissance du terrain des syndicats SIT, d'associations et du Collectif de soutien aux sans-papiers qui ont ouvert quatre permanences spécifiques (4500 consultations en un an).
Papyrus continuera à déployer ses effets jusqu'à la fin de l'année 2018. «Nous estimons que nous continuerons à déposer une quinzaine de dossiers par semaine jusqu'au terme de l'opération», a précisé Marianne Halle, du Centre de contact Suisses-immigrés.
Au final, ce sont 2200 à 2500 personnes séjournant illégalement à Genève – mais financièrement indépendantes et sans passé judiciaire – qui devraient obtenir des papiers. À titre de comparaison, une récente étude du Secrétariat d'État aux migrations a estimé qu'il y avait 13 000 sans-papiers à Genève (et 73 000 en Suisse).
Selon les données fournies par les associations engagées dans Papyrus, les principaux pays de provenance sont l'Amérique latine (42%), le Kosovo et l'ex-Yougoslavie (19%) ainsi que les Philippines (16%).

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«Pour notre part, nous n'avons eu aucun cas de refus, et c'est une grande satisfaction», a spécifié Marianne Halle. Un résultat qui s'explique par le fait que les conditions posées sont clairement définies. L'étude d'un dossier permet d'être quasi certain de son succès ou de son échec. «Le plus difficile, c'est de devoir dire non à certaines personnes», a reconnu l'oratrice.
L'opération Papyrus est définie comme un projet pilote. Il cible deux objectifs: assainir les secteurs économiques particulièrement touchés par le travail au noir comme l'économie domestique (lire ci-dessous) et accorder un permis de séjour à une population précise de sans-papiers répondant à des critères stricts. Notamment une durée de séjour de cinq ans pour les familles et de dix ans pour les célibataires, de même qu'une bonne maîtrise du français.
Souvent très bien formés
Même si l'on n'est qu'à mi-parcours de Papyrus, les premiers éléments de l'évaluation externe de l'opération ont été donnés mardi par le professeur Giovanni Ferro-Luzzi, de l'Université de Genève. D'après l'analyse d'un échantillon de la population régularisée (149 personnes), 70% sont des femmes. L'âge moyen est de 44 ans, alors que 60% d'entre eux vivent en couple. Parmi ceux qui ont des enfants (72%), deux sur cinq ont un enfant scolarisé à Genève.
Plus surprenant, 81% des répondants ont terminé une formation secondaire ou une formation universitaire. La majorité des gens qui ont un cursus universitaire l'ont accompli dans leur pays d'origine.
C'est donc le profil d'un groupe de personnes dotées d'une bonne formation, relativement bien intégrées en regard de leur statut et de l'âge moyen qui se dessine. Un portrait qui sera encore à confirmer par l'évaluation définitive qui interviendra à la fin du processus.
Bâle-Ville y songe
Genève est le seul canton en Suisse à explorer la voie des cas de rigueur afin de donner un droit de séjour à cette population travailleuse mais cachée. Qu'en pense-t-on à Berne? «Je partage l'avis qu'il faut trouver une solution pour ces personnes, a prudemment répondu Mario Gattiker. L'expérience genevoise est intéressante, mais j'attends l'évaluation finale.»
Le secrétaire d'État a également rappelé que Papyrus avait suscité des réactions positives et négatives aux Chambres fédérales. Plusieurs cantons s'y sont également intéressés, comme Zurich et Vaud. C'est toutefois à Bâle-Ville que le processus est le plus avancé.
«Je souhaite aller au bout de l'expérience puis présenter ses résultats à Berne, a précisé Pierre Maudet. Je souligne toutefois qu'un autre canton ne pourrait se lancer comme cela dans une telle opération. Il faut un gros travail en amont, notamment une solide connaissance de la population concernée.»
N'en déduisez pas que le conseiller d'État a des doutes sur ce qui a été mis en place. Il a affirmé que s'il y avait un élément de son bilan dont il était fier, c'était Papyrus: «Dans un climat national chahuté en matière d'immigration, nous avons pu donner un signal positif. Papyrus, c'est aussi la levée de l'hypocrisie en matière de sans-papiers.»
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Internet aide à trouver le bon employeur ou employé
Parallèlement à la régularisation proprement dite, des mesures d'accompagnement ont été prises. Les contrôles menés par l'Office cantonal de l'inspection et des relations du travail (OCIRT) ont porté sur 552 dossiers Papyrus, dont 72% relevaient de l'économie domestique.
Là également, la satisfaction est de mise puisque sur les 395 dossiers d'employés de maison, 16% seulement présentaient des infractions en matière de conditions de travail ou d'assurances sociales.
Le fait que peu d'autres secteurs économiques apparaissent dans l'opération Papyrus est interprété très positivement par Christina Stoll, la directrice générale de l'OCIRT. «Cela démontre que le travail de contrôle des autres secteurs porte ses fruits, a-t-elle commenté. Cela prouve qu'il n'y a pas de poche importante de clandestinité ailleurs.»
Les contrôles opérés par l'OCIRT concernaient toutefois très majoritairement de bons cas. Cela ne suffit par conséquent pas pour s'assurer d'un fonctionnement bien régulé de l'économie domestique. C'est pourquoi un nouvel outil, une bourse à l'emploi améliorée, est mis à disposition. Il met en relation les employeurs potentiels de l'économie domestique et la main-d'œuvre de ce secteur, y compris indigène. L'outil a pris la forme d'une plate-forme Internet, baptisée Ménage-Emploi, et gérée par Pro, une entreprise sociale privée. On la trouve à l'adresse https://menage-emploi.ch.
Il existe malgré tout un indice de l'impact des mesures prises par l'État, par exemple la campagne «Le travail au noir, ça se paie cash», lancée en avril 2017. Depuis janvier 2017, le nombre de Genevois qui ont recouru aux prestations du chèque-service a augmenté de 36%. L'État lance malgré tout un urgent appel aux employeurs indélicats à se mettre en conformité avec leurs obligations d'ici au 30 juin. E.BY
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