Chaque année, le 24 avril, date du début des déportations, la bataille pour la reconnaissance du génocide arménien fait face au négationnisme farouche du pouvoir turc, qui s’emploie depuis un siècle à «tuer la mort». Cette année, les membres du Conseil national ont été visés par cette infâme propagande. Nous avons reçu de la Fédération des associations turques de Suisse romande un courrier accompagné d’un coffret DVD prétendant «rétablir la vérité» en appelant à en «finir» avec le postulat Vaudroz, adopté le 16 décembre 2003 par la Chambre basse en reconnaissance de ce génocide.
Avant 1915, près de 2 millions d’Arméniens vivaient dans l’Empire ottoman. Ils ne sont plus que 60’000 en Turquie, majoritairement à Istanbul. Or, et nous le savons aujourd’hui de façon sûre, ces massacres ont été l’aboutissement d’une politique délibérée visant à exterminer cette communauté. Ce plan de «turquification» de l’Anatolie au gré d’un nettoyage ethnique criminel a ainsi fait quelque 1,5 million de victimes. En 2015, lors des commémorations du centenaire de cette tragédie, sa reconnaissance a fait un grand pas en avant. Par exemple, le Bundestag a affirmé la nécessité de «reconnaître les faits historiques» tout en soulignant la «complicité» de l’Allemagne, alors alliée de l’Empire ottoman. Au Vatican, le pape François a évoqué pour la première fois un «génocide».
Et aujourd’hui, c’est au tour de Joe Biden de reconnaître le génocide arménien. Pourtant, le Conseil fédéral est resté jusqu’ici muet, complice d’un silence intolérable. Jusqu’à quand? Le président Recep Tayyip Erdogan entraîne aujourd’hui son pays sur une voie autoritaire en réprimant toute forme d’opposition; en justifiant l’oppression des femmes (la Turquie s’est retirée de la convention d’Istanbul contre les violences faites aux femmes et aux filles); en s’en prenant violemment aux Kurdes; en incitant l’Azerbaïdjan à recourir à la guerre pour régler son différend territorial avec l’Arménie; en n’hésitant pas à faire pression sur la Suisse notamment, pour qu’elle extrade des ressortissants turcs désignés comme responsables d’une tentative de coup d’État en 2016.
«Le combat contre le négationnisme d’État turc passe par la reconnaissance des faits, lourde de responsabilités dans le monde d’aujourd’hui.»
Le 24 avril, nous avons commémoré le génocide arménien, alors que s’ouvrait à Ankara le procès contre 108 militants et activistes kurdes jugés pour avoir participé à une manifestation de soutien à la ville de Kobané, au Kurdistan syrien, assiégée en 2014 par Daech. La lutte contre le négationnisme, pour la reconnaissance du génocide arménien, est un enjeu pour faire d’une tragédie passée une force au présent. Ce vendredi, une résolution intitulée «Soutenons les droits démocratiques du peuple kurde», déposée par Ensemble à Gauche et reprise par la majorité de la commission des droits humains, a ainsi été acceptée par le Grand Conseil de Genève par 51 voix contre 36. Le combat contre le négationnisme d’État turc passe par la reconnaissance des faits, lourde de responsabilités dans le monde d’aujourd’hui, tandis que la petite communauté arménienne et les autres minorités ethniques et religieuses de Turquie, notamment les Kurdes et les Alévis, subissent répression et violences sans fin.
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L’invitée – Nous sommes toutes et tous des Arméniens