Les médecins de premier recours (ou généralistes) sont unanimement reconnus comme étant les garants d'un bon système médical, puisqu'ils permettent d'une part la continuité des soins intégrés, et d'autre part d'éviter l'engorgement des systèmes d'urgence. Force est de constater une pénurie croissante de ceux-ci dans plusieurs régions de la Suisse et même dans des centres urbains tels que Genève où la population rencontre une difficulté grandissante à trouver un généraliste. Cette situation risque de s’aggraver puisque selon le rapport de l’OBSAN 2023, 48 % des médecins généralistes ont plus de 55 ans et 83% de ceux-ci n’ont pas trouvé de successeurs lors de leur retraite. A Genève, 50% d’entre eux ne veulent plus prendre de nouveaux patients (étude FRC 2021).
Cette pénurie est explicable en partie par un attrait plus prononcé pour les spécialités médicales, favorisées par notre système de formation basé principalement sur l’hospitalier. Il faut aussi prendre en compte un changement de la pratique médicale ambulatoire chez les jeunes médecins, lié entre autres à la féminisation de la profession et cette nouvelle génération envisage plus fréquemment le temps partiel et a également moins envie de reprendre un cabinet de médecine individuelle. Seulement 10% des médecins en formation désirent reprendre un cabinet (Le Temps. 25 avril 2019).
Les centres médicaux qui offrent des revenus en fonction du temps de travail effectué et du fait de leur aspect multidisciplinaire ont actuellement plus leur faveur. La clause du besoin, en vigueur à Genève depuis le 1er octobre 2022, subordonne une nouvelle installation en privé à une place vacante dans la spécialité. Cette mesure risque en plus d’aggraver la situation, puisqu’elle concerne également les médecins généralistes. A l’instar de Vaud et Fribourg qui ont décidé de ne pas l’appliquer aux médecins de premier recours, Genève devrait les enlever du périmètre d’application de cette clause. En outre, un manque de généralistes se traduit par un engorgement des centres d'urgences qui occasionnent des coûts de santé supplémentaires et une surconsommation énergétique liée aux investigations qui y sont pratiquées à plus large échelle.
«Le concept de maisons de santé, offrant des soins intégrés avec différents prestataires de soins, pourrait être une réponse.»
Un système de santé avec une offre plus importante de médecins de premier recours bien formés permettrait de prendre en charge beaucoup de situations médicales avec une approche moins énergivore. Le secteur de la santé, toutes activités confondues, produit 6.7 % des émissions de gaz à effet de serre en Suisse (ARUP. Health care ‘s climate footprint 2019). Il faudra donc pratiquer dans l’avenir des soins qui prendront en compte leur impact en termes énergétiques. Selon l’OFSP, 20 % des actes médicaux sont inutiles ou ont peu de valeur ajoutée.
Comment augmenter à la fois l’attractivité pour la médecine de premier recours, afin de mieux gérer le vieillissement de la population et l’augmentation des maladies chroniques, et assurer une médecine de qualité et plus énergétiquement sobre? Le concept de maisons de santé, offrant des soins intégrés avec différents prestataires de soins, pourrait être une réponse. Ces maisons de santé devraient s’implanter dans les communes genevoises ou la densité de médecins de premier recours ne suffit pas à prendre en charge toutes les personnes avec maladie chronique. Ces maladies touchent une personne sur quatre et occasionnent 80% des coûts directs de la santé (OFSP, avril 2016).
Certaines de ces maisons de santé, pourraient être pilotées par le centre de médecine de premier recours (structure associant les HUG et la faculté de médecine) en association avec les organisations professionnelles concernées. Elles seraient plus attractives pour la spécialisation en médecine de premier recours, avec un type de formation répondant mieux aux valeurs des jeunes médecins, avec comme mission une pratique médicale fondée sur les preuves et parcimonieuse envers les investigations et traitements à haut impact environnemental dont le bénéfice pour le patient n’est pas prouvé. Ces maisons de santé n’assureraient pas que les urgences mais également un suivi ambulatoire de patients chroniques. Elles devraient être gérées dans le cadre d’un partenariat public-privé et les communes et l’Etat pourraient contribuer à l’encourager par des mesures incitatives comme une mise à disposition de locaux publics et des mesures d'incitation fiscale.
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L’invité – Nous devons soutenir la médecine genevoise de premier recours