Genève à tableNotre sélection des vins du mois
Tirés de notre newsletter gratuite, quelques beaux flacons de nectars de vigne sélectionnés pour vous.

Les abonnés à la newsletter gratuite «Genève à table» ont profité en avant-première des bonnes bouteilles conseillées par notre équipe aux gosiers délicats qui aiment à s’humidifier avec modération. Ces «beaux flacons» font une belle cave pour les amateurs de vins soigneusement élevés, qu’ils soient naturels ou de facture classique. Voici notre sélection du mois.
Promenade au bord du soleil

Mitonné à Souvignargues (Gard) par Olivier Pichon en son Domaine de la Grange Saint-André, Le Marmot offre un marchepied idéal pour entrer dans l’univers des vins naturels.
Doté d’une redoutable buvabilité, il demeure assez classique pour que tante Odette puisse s’en siffler un godet sans sourciller. Au nez, un très gracile esprit de vanille plane sur une explosion de petits fruits rouges.
Puis ce bambin-là glisse sa menotte dans la vôtre pour vous emmener promener au bord du soleil: cinsault et grenache ont certes mûri sous un ciel du sud mais conservent un allant rafraîchissant qui acidule la gorge façon brume de yuzu. À ouvrir à l’heure de l’apéro pour surveiller les devoirs.
Dame Glou
Le Marmot 2020, La Grange Saint-André, 12,5°, sans soufre ajouté. Déniché pour 16 fr. chez Nino, 65, bd de Saint-Georges. www.ninocave.com
Le perlan réinventé

Chez les œnophiles distingués, le chasselas genevois n’a pas toujours eu grande réputation. Défiance nullement déméritée, d’ailleurs. Le «perlan», comme on l’appelait naguère, s’avérait souvent redoutable: fluet, atone, aigrelet. Bref, tout vilain, tout méchant. Mais voilà que les choses changent. Toujours prépondérant dans l’encépagement cantonal, il peut se montrer désormais sexy et élégant à l’occasion. L’exquise preuve chez Damien Mermoud, à Lully, dont la cuvée 2020 offre à nos pifs ravis de délicates notes mentholées et florales. En bouche, la fraîcheur le dispute à la gourmandise. C’est un chouette blanc d’apéro ou même de table, fringant autant que tonique, à prix bisou. Et c’est un chasselas genevois. Oui, messieurs.
Jérôme Estèbe
Domaine Mermoud. Lully. Chasselas 2020 (10 fr. 50) épuisé au domaine, millésime 2021 mis en bouteille sous peu. Le 2020 se dégote chez certains cavistes, par exemple au Passeur de Vin (14 fr. 50)
Appel à la grillade estivale

Il y a quelque chose de l’ovni (objet vinique non identifié) dans ce rosé-là. Il envoie au museau de discrètes senteurs de litchi et de fraise des bois, avant de napper la papille d’une eau de toilette florale pleine de verdeur. Difficile de faire plus sec nectar que ce Mara sur Mar, ourdi par la famille Fonjallaz en son Domaine du Chambet, à Gy. Ce petit jus sans prétention a été élaboré à partir d’une saignée de mara infusée au marc de gewürztraminer. Le mara est un cépage rouge créé en Suisse, issu d’un croisement artificiel entre le gamay et le reichensteiner et cousin du garanoir et du gamaret.
Ce curieux élixir genevois appelle la grillade estivale en compagnie d’une troupe de copains bruyants. Bonus: avec ses 10 petits degrés d’alcool au compteur, il promet des lendemains sans nuage.
Dame Glou
Mara sur Mar 2021, Domaine du Chambet, 10°, sans soufre ajouté. Débusqué pour 22 fr. 50 chez Tout Local, 3, rue Vignier. Au domaine, c’est 18 fr.
L’été sera orange

La dégustation d’un vin orange est toujours un exercice déroutant. Celle du dernier viognier de Christian Guyot, à Bernex, ne fait exception. Une couleur ambrée non filtrée, un nez puissamment aromatique – comment ne pas sentir de fruits exotiques? – et en fin de bouche, une légère astringence qui vient équilibrer la douceur. C’est le viognier qui s’exprime. À bien y chercher, un subtil goût d’argile s’est installé dans le palais. «La jarre est poreuse, elle laisse passer une faible quantité d’oxygène. Elle communique quelque chose, c’est évident», révèle celui qui partage son temps entre la vinification et l’enseignement à Changins.
Pour ceux qui n’auraient pas suivi les dernières tendances viniques, le vin orange est un blanc vinifié comme du rouge. Sa macération se fait en présence des peaux et des rafles (mais beaucoup plus longuement que le rouge). Rien de nouveau en réalité, la technique a été élaborée il y a 8000 ans par les Géorgiens. Christian Guyot, lui, a fait reposer son moût et ses peaux de raisin blanc dans une jarre en terre cuite de Toscane d’octobre à janvier. Virtuose de la vinification (il loue des parcelles pour sa production et vinifie pour d’autres producteurs genevois), Christian Guyot espère tirer 500 bouteilles de son dernier venu, baptisé Or’Ange. À point pour les Caves ouvertes du printemps (si, si, elles reviennent). Mais attention, ses vins produits en quantité restreinte s’arrachent. Ils sont nombreux ceux qui sont morts de soif en tentant de se procurer son Don Juan, un tempranillo maison de haut vol.
Luca Di Stefano
Or’Ange 2021, Christian Guyot, Viognier zone de 1er cru Coteau de Lully, blanc de macération élevé en jarre de terre cuite, 14,5°. Disponible lors des Caves ouvertes (21 mai) au caveau de dégustation, 277b, rue de Bernex. 24 fr. www.vins-guyot.ch
Esprit funk et buvabilité maximale

Bim, c’est probablement le bruit que font les cépages sudistes lorsqu’ils sont vinifiés comme dans le Beaujolais. Grenache noir, carignan et mourvèdre ont été réunis pour produire en macération carbonique ce jus pourpre et salivant, qui vous coule dans le bec des bonbons de petites baies acidulées. Fraîcheur de fontaine, tanins souples et brise de lavande, l’esprit de ce vin est résolument funk et sa buvabilité maximale. Jaja libre oblige, Bim peut, selon les jours, picoter légèrement la langue. Ceux que cela dérange le feront chuter dans une carafe façon Niagara pour l’assagir; les autres vivront un exquis petit frisson. Bim a été ouvragé par Sébastien Chatillon, alias Catouille, en son fief de Saint-Quentin-la-Poterie (Gard). Cet ancien sommelier a fondé en 2016 Ad Vinum pour y produire des vins à son idée, espiègles mais bien maîtrisés – et sans aucun intrant. Complètement addictif, Bim s’avère encore plus électrisant servi un peu frais.
Dame Glou
Bim 2019, Ad Vinum, Sébastien Chatillon, 12°, sans soufre ajouté. À commander pour 15 fr. 10 auprès de Sam chez Vinivore SA.
Une syrah insolite des «Terres du Léman»

Jérôme Cruz, du Domaine de Beauvent, en rêvait depuis longtemps. Créer des vins d’exception, en microvinifications, sous une nouvelle étiquette. Il lance ainsi une collection étonnante sous l’appellation «Les Terres du Léman». Des cuvées confidentielles aux noms ésotériques: Impérial (assemblage rouge de merlot, syrah, cabernets sauvignon et franc), Nymphe (rosé d’assemblage), 309 m (chasselas de Féchy), Abysse (chenin blanc nature), Nautilea (garanoir) et Cities (syrah nature). Cette dernière a enthousiasmé René Fracheboud, qui le sert désormais dans son Dix Vins carougeois.
«J’ai découvert une syrah élevée en cuve, s’exprimant sur le fruit, la fraîcheur, l’élégance. Elle fait merveille sur les poissons et les viandes blanches.» Ce vin est issu d’une macération carbonique d’une durée de quatorze jours après un pressurage doux. Non collé, il n’a subi aucun ajout de soufre. Jérôme Cruz et l’œnologue maison, Tanguy Lenoble, l’ont stabilisé en le maintenant pendant six mois à 0 °C en cuves inox. Ils préconisent une garde dans une atmosphère à moins 14 °C et une température de service entre 12 °C et 15 °C après décantage. Des précautions pour éviter un redémarrage de la fermentation.
Déguster une syrah aussi insolite laisse d’abord perplexe. Mais après quelques minutes dans le verre, elle s’ouvre, offrant des arômes de fruits rouges, de bonbon anglais et des nuances poivrées. En bouche, sa petite vivacité étonne de prime abord avant de s’apprivoiser en compagnie de filets de truite fumée et de rillettes de féra. Les réfractaires au vin blanc trouveront dans cette cuvée un substitut parfait!
Alain Giroud
Les Dix Vins carougeois, 29, rue Jacques-Dalphin, Carouge, ou https://domainedebeauvent.com/
Saveurs calabraises ardentes

L’œnotrie donne son nom à une région du sud de l'Italie, située du côté de la Calabre et de la Basilicate. Un coin de terre célèbre durant l’Antiquité pour ses vins. Le noble breuvage, produit aux confins de la Botte, en plein cœur de la Grande Grèce, était offert à l’époque aux vainqueurs des Jeux olympiques à Athènes. Après la grandeur vint la décadence…
Durant le siècle dernier, l’émigration a vidé les campagnes calabraises, mettant en péril le savoir-faire et le terroir de ce petit bout du monde oublié. Mais depuis deux décennies, une nouvelle génération de producteurs revient sur les terres de ses ancêtres. C’est le cas de Giovanni Celeste Benevenuto, un vigneron qui remet au goût du jour un cépage blanc aromatique, «ma non troppo», et vinifié en sec: le zibbibo. Il y ajoute parfois de la malvoisie pour créer un mélange, aux notes salines et arômes d’agrumes, baptisé Mare. Dans l’air du temps, il en tire aussi un excellent vin orange. Son rouge Terra est du même tonneau. Un vin de soif, vif et vertical, issu de cépages locaux méconnus sous nos latitudes (magliocco et greco nero).
Chaleur oblige, on s’attend à des jus lourds, voire écœurants, écrasés par un soleil à cuire les pierres. Il n’en est rien: le nectar s’avère très fin, avec une pointe d’acidité rappelant que la Calabre est une région de montagnes (frôlant les 2000 mètres) et de collines. Les vignes de Benvenuto, situées à près de 400 mètres d’altitude, regardent au loin le bleu de la mer Tyrrhénienne, ses crépuscules rougeoyants et le triangle parfait du Stromboli à l’horizon.
Fedele Mendicino
En Suisse, les produits des Cantine Benvenuto se trouvent sur le site www.weindegu.com. Plus de renseignements au 077 489 33 96 ou info@marcellinopanevino.ch. Le rouge et le blanc y sont disponibles au prix de 19 fr 50.
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