
Genève, 25 décembre
La Ville de Genève et quelques municipalités du canton nous invitent, par voie de trois affiches attrayantes placardées dans l’espace public, à louer plutôt qu’acheter, réparer plutôt que jeter et surtout réutiliser plutôt qu’acheter neuf. Conseil pertinent par les temps qui courent, mais dont on se demande s’il est suivi par ceux-là mêmes qui le donnent à la population.
Car en effet, la semaine dernière, trois aspirants pharaons, membres du Conseil administratif de la Ville de Genève, ont relancé un projet mégalomaniaque, chiffré à «peut-être 250 millions» estimait l’un d’eux, en vue de réaliser «la grande mue» du Musée d’art et d’histoire.
Certes, le projet mis à l’étude prochainement permettra enfin d’assainir et de mettre aux normes énergétiques le vénérable bâtiment de Marc Camoletti. Cette intervention est urgente depuis longtemps et doit donc être saluée!
Mais il s’agit en fait principalement de l’agrandissement du musée, notamment en excavant la butte de l’Observatoire! Comme le souligne un autre conseiller administratif, moins adepte que ses collègues d’édification de pyramides sur la comète, cette proposition est totalement anachronique. «C’est un projet d’un autre temps» observe-t-il.
Or n’est-ce pas, aujourd’hui, presque en 2023, qu’une simple question de bon sens? Sur une planète dont les ressources s’amenuisent, nous devons apprendre à mieux utiliser celles qui sont encore à notre disposition. Cela vaut pour toutes les situations, à toutes les échelles, même celle – modeste - de Genève. En d’autres termes apprenons à réutiliser et à mieux utiliser l’existant. De plus en plus d’architectes prônent le réemploi plutôt que la tabula rasa. C’est pour défendre cette nécessité que le bureau français Vassal & Lacaton ont été honorés du prix Pritzker, « Nobel » de l’architecture en 2021.
Le MAH dispose d’un extraordinaire potentiel d’extension existant à disposition avant d’aller le creuser à grands frais sous l’Observatoire: l’ancienne École des beaux-arts (HEAD, plus de 4000m2) ; les locaux de la Promenade du pin ; le Musée Rath…
Réhabilités, transformés, réadaptés, valorisés, ces espaces permettront de réaliser ce qui devrait être le seul objectif ultime de tout ce délire: une muséographie de qualité, intelligente et pédagogique, qui sache remplir sa mission, c’est-à-dire conserver, mettre en valeur et révéler ce qui fait l’unicité des précieuses collections genevoises plutôt que de les utiliser comme prétextes à des performances de «bêtisiers» médiatiques.
«Le bon sens est la chose au monde la mieux partagée, disait Descartes, car chacun pense en être bien pourvu.»
C’est bien là le problème…
Bernard Zumthor
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Lettre du jour – Nos trois aspirants pharaons