Le temps passe vite et les passions de la veille sont rapidement oubliées. Il y a seulement un an, l’éclatement de la guerre en Ukraine annonçait l’effondrement des ambitions d’Eric Zemmour. Il avait beau dénoncer les sondages menteurs et se prédire une victoire éclatante, il s’apprêtait à vivre en réalité une défaite humiliante. Depuis le 10 avril, date du premier tour de la présidentielle, Eric Zemmour a disparu de la scène, et pire encore depuis les élections législatives de juin où son parti Reconquête! n’avait pas gagné un seul siège.
Mais voilà que ces dernières semaines, il recommence à faire parler de lui à la faveur de son thème favori: l’immigration. Plus précisément la lutte contre les réfugiés. Le 11 janvier dernier, le maire du petit village breton de Callac, 2200 habitants, annonçait l’abandon d’un projet d’installation de quelques dizaines de familles dans des bâtiments désaffectés de la commune. Une fondation finançait le projet, avec accompagnement à l’emploi et promesse de refondation du bourg. Mais des militants de Reconquête!, pour la plupart étrangers au village, avaient réussi à installer une ambiance de haine et de menaces de mort à coups de réseaux sociaux.
«En proportion de la population, les réfugiés sont en France 1,7 fois moins nombreux qu’en Suisse, deux fois moins qu’en Allemagne, cinq fois moins qu’en Turquie.»
En bref, il s’agissait d’éviter que le Grand Remplacement, déjà réalité dans les quartiers de banlieues, ne contamine la campagne armoricaine: «Des Bretons, pas des colons», proclamait Reconquête! Grisés par leur victoire de Callac, les militants d’Eric Zemmour tentent maintenant de refaire le coup à Saint-Brevin-les-Pins, toujours en Bretagne, ou à Bélâbre, près du Val de Loire. Là, le combat est héroïque: il s’agit d’empêcher l’établissement de 38 personnes avec statut de réfugiés dans un village de 1000 habitants.
Vingt lois sur l’immigration
J’ai de la peine à comprendre que de tels projets, éminemment intégrateurs, soient combattus par ceux qui n’ont que le mot assimilation à la bouche. J’ai de la peine à comprendre également certaines hyperboles du débat politique. L’immigration en France a été forte pendant les Trente Glorieuses; entre 1974 et 2000, années de crise, elle a stagné; depuis 2000 elle progresse à nouveau, mais moins qu’en moyenne mondiale. Les réfugiés? En proportion de la population, ils sont en France 1,7 fois moins nombreux qu’en Suisse, deux fois moins qu’en Allemagne, cinq fois moins qu’en Turquie. Si on parle des Ukrainiens, il y en a 100 fois plus (!) en Pologne, six fois plus en Suisse, cinq fois plus en Allemagne.
Je ne prétends pas que la France soit égoïste, mais elle n’est pas la terre d’accueil qu’elle croit être. Elle n’est pas non plus le but convoité par tous les migrants: d’autres pays attirent plus qu’elle. En trente ans, la France a voté 20 lois sur l’immigration. Cela n’empêche pas la droite, même modérée, de répéter qu’«on ne fait rien», qu’on n’a «pas de courage», que le gouvernement a «renoncé à maîtriser l’immigration». En France comme ailleurs, l’immigration pose un certain nombre de problèmes, ça n’autorise pas à dire n’importe quoi.
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Réflexions – Non, la France n’est pas la terre d’accueil qu’elle croit être
À en croire le débat politique, les Français font de l’immigration un thème obsessionnel. Ont-ils mesuré que la France accueille peu de réfugiés?