D’un côté, les gens; de l’autre, les services, les départements et les directions. D’un côté, la population; de l’autre, ses représentants, dans leur monde parallèle. Entre eux un fossé s’est creusé, une faille profonde qui s’insinue jusqu’aux entrailles de la terre.
Cette Terre qui préoccupe tant en ce moment partout de par le monde; cette même terre dont on fait si peu de cas dans nos parages immédiats.
Tant de pleine terre aliénée au bâti à Genève en si peu de temps. Après la terre et la forêt enchantée des Allières, la terre et une petite forêt à la route de Malagnou, les friches de la gare des Eaux-Vives et de l’ancienne Micheline (de la terre quand même), la terre et son bush retournés à Surville, la terre en train en ce moment même d’être remuée au chemin de l’Amandolier ou à Vessy, la terre de Belle-Terre tout en train de se construire, la terre du plateau de Lancy… et même la terre agricole qu’on prétendait pourtant sauver «en construisant la ville en ville».
Celle qui occupe ici est la terre du modeste quartier de Bourgogne, un précieux quartier de maisonnettes et leurs jardins, une poche de verdure que ses habitants veulent farouchement protéger d’une énième coulée de béton, vendue sur les projections pastel comme un beau projet d’habitation avec parc.
Situé en Ville de Genève, le secteur Charmilles-Vieusseux est l’un de ceux qui ont payé le plus lourd tribut à la densification avant même l’adoption en 2013 du plan directeur cantonal 2030.
L’exemplaire Cité Vieusseux, par exemple, construite par Maurice Braillard (1929-1931), le premier ensemble de logement ouvrier au plan national, une Siedlung digne de celles des alentours de Berlin, classées au Patrimoine de l’humanité, a été sacrifiée au profit de gros immeubles aussi étanches que disgracieux. Les projets de remplacement en revanche ont fait du chiffre! Beaucoup de chiffre! Sans que l’on puisse dire que l’accumulation de bâtiments ait contribué à l’embellissement du quartier et du Canton.
Des Charmilles, qui devaient leur nom aux haies de charmes qui séparaient les lopins des petites propriétés, ne subsiste que le nom… Et le quartier de Bourgogne au modeste charme banlieusard témoigne de jours qui furent simples et heureux.
«Le secteur Charmilles-Vieusseux est l’un de ceux qui ont payé le plus lourd tribut à la densification.»
À l’heure actuelle, l’élémentaire sagesse voudrait que l’on soustraie sur-le-champ ces rares quartiers subsistant de la zone 3B de développement au raz-de-marée de la densification. Ils témoignent de l’histoire de l’évolution du territoire et de sa mixité architecturale et constituent des réserves foncières et immatérielles qu’il s’agit d’économiser puisqu’elles sont la dot des générations futures.
Que la «métropolisation», c’est-à-dire la bête mise à sac désinformée de Genève, ait pris forme au XXIe siècle, laisse pantois. Dix ans après l’adoption du plan directeur cantonal 2030, quel cuisant échec!
Les enfants ne sont toujours pas logés et le nombre des frontaliers a explosé, comme vient de nous l’affirmer l’Office fédéral de la statistique! À la lumière des récentes réalisations, tout un chacun peut se faire une idée de la suite de cette histoire à laquelle il est justement urgent de ne pas donner de suite. Sauvegardons le quartier de Bourgogne et ses homologues dans le tissu urbain pour rompre l’implacable et répétitive densification d’immeubles de béton, criblant de façon étouffante des lieux autrefois aussi diversifiés qu’aérés, et aussi agréables à vivre qu’à traverser.
Sachons dire NON à nos autorités, qui, telles des cyclopes aveuglés par la Chambre immobilière, continuent, dans leur cécité, de tâter le dos des moutons qui sortent de la caverne sans comprendre qu’affairistes et promoteurs quitteront les lieux épuisés, une fois fortune faite, accrochés au ventre du bétail pour s’en aller sévir plus loin si on les y laisse faire.
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L’invitée – Non à la coulée de béton du PLQ 30049