Nelson Goerner, échos d'un art sédimenté
Le pianiste d'origine argentine a fait un triomphe lundi au Victoria Hall

Ce sont deux continents musicaux que tout sépare et qui ont eu ceci d'éclatant qu'ils ont dévoilé une fois encore l'art d'un pianiste touché de bout en bout par la grâce. Lundi soir, sous le regard amical de Martha Argerich et de Radu Lupu, face à un Victoria Hall quasi comble, le pianiste d'origine argentine Nelson Goerner a bâti un pont solide pour rapprocher cette œuvre tout en retenue et aux allures de promesse murmurée que forment les Préludes de Debussy (ici le «Premier livre» uniquement) de cette autre pièce imposante, aux allants de cathédrale, qu'est la Sonate N°29 op.106 «Hammerklavier» de Beethoven. Traits quelque peu tirés, expression concernée, le musicien a saisi d'entrée les présents en abordant les «Danseuses de Delphes» et «Voiles» avec des tempi plutôt modérés, d'un toucher tout en retenue. Le Debussy qui est alors donné à entendre conserve tous ses accents vaporeux et son allant à la fois rêveur et erratique. En traduisant ainsi ses coloris mélancoliques et compassés, Nelson Goerner a fait surgir le goût d'une époque (une élégance musicale qui fait penser à Arturo Benedetti Michelangeli) et l'esprit intrinsèque d'une esthétique qui a tout bouleversé au début du XXe siècle.