Murielle Favre: «A 61 ans, j'ai laissé mon mari à la maison et j'ai marché quarante jours»
La secrétaire de l'Association romande des Amis du Chemin de Saint-Jacques nous conte son pèlerinage.

Ne vous y trompez pas. Sous ses airs de GR balisé, le chemin de Saint-Jacques n'est pas un bête parcours pour randonneurs en goguette. «Celui qui part en touriste arrivera en pèlerin à Saint-Jacques», nous souffle Murielle Favre, membre du comité de l'Association romande des Amis du chemin de Saint-Jacques depuis vingt ans, qui conseille les pèlerins et surveille l'état des chemins de Compostelle traversant la Suisse (notamment la via Jacobi). Car entre le vulgaire touriste et le noble pèlerin existe une différence de taille: «Le touriste se reconnaît sur le chemin car il parle des kilomètres qu'il a avalés, des montées qu'il a escaladées, du temps qu'il a mis. Il aura des exigences par rapport aux gîtes qui l'hébergent. Tandis que le pèlerin racontera le plaisir qu'il a eu, les gens qu'il a rencontrés et sera simplement content d'arriver. Il sera reconnaissant d'être hébergé et sait qu'un accueil jacquaire n'est pas un hôtel.»
Un accueil jacquaire, autrement dit un donativo, c'est l'hospitalité donnée par des habitants – souvent catholiques – aux pèlerins sur la route. En échange du gîte et du couvert (et de la douche), ces derniers donnent de l'argent, mais aucun tarif fixe n'est exigé, permettant aux gens les plus démunis de trouver un toit gratuitement. Murielle et son mari, Bernard, ont réservé une chambre de deux lits dans leur maison à Commugny pour l'accueil jacquaire depuis onze ans. «Contrairement aux gîtes, nous ne sommes pas tenus d'être ouverts. C'est plutôt un dépannage au cas où il n'y a pas d'autre solution, car nous sommes un peu en dehors du parcours officiel», explique le couple. Croyants, Murielle et Bernard ne sont pas catholiques mais protestants. Chez eux, pas de prière le soir autour du repas avec les pèlerins, contrairement à d'autres donativos: «On ne pose jamais la question de la foi», assurent-ils.
Le chemin, Murielle l'a découvert sur le tard. «Mon père me parlait du chemin de Saint-Jacques, c'était un rêve pour lui. Ça me trottait dans la tête. J'ai fait des petits bouts trois années de suite entre Commugny et Conques, mon mari du Puy-en-Velay à Conques vers l'an 2000, puis plus rien pendant huit ans.» C'est le passage chez eux d'une jeune femme de 20 ans qui décide Murielle à reprendre la route. «Chloé était un vrai rayon de soleil, elle allait jusqu'à Saint-Jacques depuis Bulle, seule et en hiver», se souvient la retraitée en souriant, en nous montrant la photo de la pèlerine dans leur livre d'or. «J'ai alors laissé mon mari à la maison et suis partie pour quarante jours de marche, de Conques à Belorado, soit 750 kilomètres, à 61 ans. Moi qui n'ai jamais rien fait toute seule, c'était un grand défi.»
Sept ans plus tard, l'appel du chemin la reprend: «Il fallait que j'aille jusqu'à Saint-Jacques.» Quelque 650 km plus loin, elle atteint enfin Santiago: «J'étais heureuse d'arriver, mais je n'étais pas en pleurs. Il y a tellement de monde et c'est très touristique. En revanche, j'ai marché encore 100 kilomètres jusqu'au cap Finisterre, à la mer. Là, assise sur les rochers, les larmes sont venues. C'est là-bas la véritable fin du chemin.»
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