Au Pays basque, l’ETA livre ses dernières caches d’armes
L’organisation séparatiste digère sa défaite pendant que la société basque tente de face à son devoir de mémoire.

L’ETA est désormais une organisation désarmée. C’est ce qu’a annoncé le groupe séparatiste basque, à travers d’un communiqué remis à la BBC vendredi à l’aube. L’opération de remise de ses dernières caches d’armes aux autorités françaises aura lieu officiellement samedi, sous le patronage d’un petit groupe d’observateurs internationaux et d’élus locaux français. Tout devrait se réduire, dans les faits, à la remise de quelques coordonnées GPS afin de permettre de retrouver les stocks d’armes rouillées et les explosifs périmés qui sont encore dissimulés dans le Sud-Ouest français. Un événement discret, accompagné de la convocation d’un rassemblement indépendantiste à Bayonne qui clôture la page de 58 ans de terrorisme.
Côté espagnol, l’annonce de ce désarmement est reçue avec précaution, appuyée par une motion du parlement basque, malgré la résistance des élus du Parti populaire (droite) qui accuse les autres partis de «s’humilier» devant l’ETA en manifestant tel soutien. Mais dans la rue, c’est un mélange de lassitude et d’indifférence qui domine. L’organisation clandestine, dont les actions ont fait 829 morts depuis la fin du franquisme en 1975, n’est déjà plus qu’un mauvais souvenir pour une bonne partie de l’opinion publique. Il faut dire qu’elle a été effacée des grands titres des journaux depuis longtemps, et n’apparaissait plus que comme un groupuscule acculé par l’efficacité de la coopération policière et judiciaire, des deux côtés des Pyrénées. Au point qu’elle s’était vue contrainte à annoncer l’abandon de la lutte armée en octobre 2011.
Echec accablant
«Cette remise d’armes, presque anonyme, est une étape de plus dans la dégringolade de l’organisation en attendant sa dissolution», explique Florencio Dominguez, journaliste spécialiste de l’ETA, devenu directeur du Centre mémorial des victimes du terrorisme. «Ses dirigeants doivent maintenant expliquer aux militants emprisonnés que tout s’arrête et qu’ils n’ont absolument rien obtenu en retour. C’est un échec accablant, surtout pour ceux qui ont de lourdes peines à purger encore.»
Selon Florencio Dominguez, l’organisation clandestine a raté sa sortie. Ses chefs ont pourtant tenté, jusqu’au bout, de donner à ce final un sens politique, semblable à celui qu’avait eu la destruction de l’arsenal de l’IRA, en Irlande du Nord. En vain. «Ils ont rêvé d’une amnistie collective et d’une sortie de prison, tous ensemble le poing levé, mais c’est justement l’image que le gouvernement espagnol ne veut pas. L’ETA a été vaincue, point final.» Du côté du Ministère de l’intérieur espagnol, on insiste: il n’y a pas eu de négociations, et ni les prisonniers, ni les derniers militants en cavale ne tireront bénéfice de cette remise d’armes.
De fait, il ne reste plus grand-chose de la bande. Son symbole à la hache et au serpent a disparu des peintures murales dans les villages du Pays basque. Les temps sont loin où elle bravait Madrid et menait des campagnes d’attentats pour forcer des négociations sur l’indépendance de la région. «L’ETA aujourd’hui c’est tout au plus une vingtaine de clandestins éparpillés en Europe, quelques dizaines d’anciens qui ont tourné la page et ont refait leur vie en Amérique du Sud. Et surtout, 350 prisonniers dans les prisons espagnoles et françaises», calcule Florencio Dominguez.
Devoir de mémoire
Pendant que l’organisation clandestine s’étiole, le nouveau défi, estime-t-il, est de préserver le devoir de mémoire. Car la société basque, libérée de la chape de plomb de la menace terroriste, a tourné la page sans attendre. La gauche indépendantiste, jadis bras politique de l’ETA, a choisi de troquer les armes pour les urnes et prétend «remettre les compteurs à zéro» sans aucune autocritique.
«Le risque aujourd’hui, dit-il, c’est tout autant l’oubli que la réécriture de l’histoire. Il y a la tentation, chez ceux qui ont été les compagnons de route de la violence, d’essayer de diluer les responsabilités.» Et il avertit: «Ici, au Pays basque, la violence a été le fait d’un petit groupe qui a muselé le reste de la société, réduisant au silence ceux qui n’étaient pas d’accord. Ils n’ont pas gagné par les armes, on ne va pas les laisser s’emparer du terrain de la mémoire. Nous le devons aux victimes et aux générations futures.»
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