Miroir, mon beau miroir, qui dit vrai?
De Narcisse à la dématérialisation de l'image, le Mudac traverse le miroir, ses fascinations et ses perversions.

Kim Kardashian muséifiée? Au Mudac, à Lausanne, avec sa bible de fine gâchette people du selfie? La perspective semblait plus qu'improbable à moins d'une réflexion aussi kaléidoscopique qu'intelligemment balisée sur le miroir. Donc… du reflet de soi et de sa panoplie d'effets miroitant la vie, un esprit d'ouverture comme le temps qui fuit ou alors grossissant le péché d'orgueil incarné par Narcisse. Avec les smartphones et les réseaux sociaux en alerte, inutile de préciser que le mythe frétille plus que jamais, c'est donc en toute logique – mais ce sera la seule concession – que le chasseur grec sachant si bien chasser son image fait l'ouverture de «Miroir, miroir».
On plonge: impossible de ne pas se croiser! A qui la couverture du cultissime magazine de mode Vogue? Un miroir imprimé rend l'opportunité accessible à tous. Dans la même pièce, un compte Instagram s'élève au rang d'œuvre d'art face à un papier peint d'Andy Warhol, pionnier de la saturation de l'espace par l'image et de sa banalisation par la multiplication. C'est dire si dans cette exposition en huit chapitres tournant autour de soi, s'affronter, se voiler la face, se faire voir, les grands noms de l'art contemporain avaient leur place. Warhol, Bill Viola, Pipilotti Rist, Pierre et Gilles, Mat Collishaw ou encore Douglas Gordon sont là. Des pièces emblématiques comme autant de choix forts pour très vite dépasser la seule idée de la contemplation. L'histoire de l'objet, de sa place dans l'architecture ou de son rôle dans l'art, s'invite en discret filigrane – difficile de ne voir la référence aux Epoux Arnolfini de van Eyck se refléter dans la mélancolie faite miroir par Nel Verbeke – mais il est surtout question d'aujourd'hui, de l'inversion récente des paradigmes dans le rapport à notre image.
«Longtemps, l'autoportrait a sacré une fonction, une position. Aujourd'hui on peut devenir célèbre avant d'avoir effectué un travail méritant la reconnaissance, appuie le commissaire Marco Costantini. J'ai voulu ce parcours ancré dans cette actualité et cette nouvelle réalité offrant la possibilité de se voir partout, dans les carrosseries des voitures, les façades miroitantes des immeubles, les vitrines: qu'en fait-on? Chaque œuvre de l'exposition pose un autre aspect.»
Les regards s'affrontent troublant, les miroirs bougent, ils prennent la forme du corps de passage devant eux, on joue; ils manipulent et renvoient une autre image, on se laisse faire! Mais venus des livres de contes avec leur réputation de dire la vérité, ils sont aussi le reflet presque climatique, parfois obscur ou même dramatique d'un savoir ou d'une connaissance du monde. Avec, gravée à fleur, une question sans détour, «Who fears the other?», la Lausannoise Sandrine Pelletier use littéralement de la profondeur de champ de ses verres traités à l'acide. Profondément réflexif, le miroir l'est encore lorsque Mounir Fatmi entremêle textes profanes et sacrés pour interroger le rapport à la représentation avant que la balade en terres non convenues se poursuive jusque dans une dimension plus technologique. Un monde où la reconnaissance faciale permet à un autre visage que le nôtre de mimer nos expressions. Un univers où les smartphones n'ont besoin de personne pour se tirer le portrait avant de le poster sur leur compte Tumblr! Et comme on est dans un musée, là où le selfie devant un chef-d'œuvre est devenu passage obligé, le concours est lancé par le Mudac, à voir lequel de ces miroirs deviendra sa Joconde…
Lausanne, Mudac Jusqu'au di 1er oct. Ma-di (11 h-18 h) Rens.: 021 315 25 30 www.mudac.ch
Cet article a été automatiquement importé de notre ancien système de gestion de contenu vers notre nouveau site web. Il est possible qu'il comporte quelques erreurs de mise en page. Veuillez nous signaler toute erreur à community-feedback@tamedia.ch. Nous vous remercions de votre compréhension et votre collaboration.