Cadeaux de NoëlMettez de l’art sous le sapin
Show immersif, autofiction, récit de Dickens, Banksy ou blues vintage… Retrouvez une sélection de pépites pour un Noël hétéroclite.

Autofiction – Être juif à Nice

Le Covid a frappé Joann Sfar en 2021 avec violence. Sur son lit d’hôpital, le bédéaste et cinéaste frôle la mort, et se plonge dans ses souvenirs de jeune juif à Nice dans les années 1980. Son père le traîne à la synagogue, où il préfère intégrer l’équipe des gardiens qui restent à l’extérieur. Sfar vogue entre tendresse et autodérision, convoque Joseph Kessel, lui aussi Niçois et juif, raconte avec humour sa passion pour les sports de combat, fréquente des néonazis qui l’aiment bien. Cet album cathartique l’a fait sortir de son lit d’hôpital pour rendre hommage à son père avocat et chasseur de nazis, qui l’a élevé seul dès ses 3 ans, et pour dessiner la Méditerranée qu’il aime tant. Pour s’interroger, surtout, sur sa propre violence de freluquet et sur la religion qu’il a reçue en héritage dans une France qui ne la tolère que du bout des lèvres. Brillant et passionnant.
D’après Dickens – Fantômes à Noël

En ce 24 décembre 1843, une silhouette noire fend les rues de Londres. Chez Charles Dickens, l’ombre inquiétante appartient à un vieux grigou, Ebenezer Scrooge, personnage principal du récit «Un chant de Noël». Doué pour les adaptations – il a transposé l’an dernier «Bartleby, le scribe», de Herman Melville –, José Luis Munuera revisite avec brio un classique de la littérature. S’il conserve la trame du conte original, l’auteur ibérique transpose sa figure masculine en une héroïne implacable et cinglante, à la beauté froide. Comme chez Dickens, des fantômes rôdent. Une atmosphère fantasmagorique particulièrement bien rendue dans cet album de saison.
Récit complet – Mathieu repousse les limites de la BD

Adam se réveille dans le noir total. Autour de lui, il entend des gens parler. Lui-même semble pouvoir s’exprimer. Sauf que personne ne l’entend, ni les médecins à son chevet, ni un inspecteur venu lui rendre visite, ni sa femme Lucy. Que se passe-t-il? Où est-il? Plongé dans le coma peut-être, ou plutôt dans un locked-in syndrome, cet état neurologique rare dans lequel le patient est éveillé et totalement conscient, mais ne peut ni bouger ni parler. Au fait, qui est Adam? Au terme d’un récit complet ébouriffant, Marc-Antoine Mathieu apporte la réponse à toutes ces questions. Et déconcerte, comme à son habitude. Friand d’expériences graphiques, l’auteur et scénographe français aime repousser les limites de la BD. Dans «Deep Me», il propose un album à la couverture noire, truffé de cases noires. Un twist scénaristique d’envergure fait rebondir ce thriller métaphysique.
Arts visuels – Viva Frida Kahlo!

www.vivafridakahlo.ch
On ne présente plus Frida Kahlo! Sa trajectoire de femme cabossée, sa carrière d’artiste déterminée, son image de femme modèle tout en étant une amoureuse libre et bisexuelle. Combien de films pour se fondre dans cette existence hors du commun, de biographies pour tenter de la suivre, ou encore de t-shirts à son effigie portés comme un signe de reconnaissance, si ce n’est de ralliement. On en oublierait presque la puissance unique de son œuvre, expression de la résilience, sur laquelle règne l’autoportrait. Avec «Viva Frida Kahlo», les créatifs zurichois d’Arts et Projektil qui viennent de la technologie de l’image et de l’art numérique proposent d’y entrer à travers un documentaire immersif, résultat d’une année de travail à collecter les images, les droits et à écrire le script de ce spectacle. Projeté avec succès à la Lichthalle de Zurich, le show débarque à Lausanne pour conquérir le public romand.
Lausanne, Beaulieu
Du 17 décembre au 19 mars 2023
https://vivafridakahlo.ch/fr/
Musique – Plongeon dans le blues vintage

Parlons d’un temps où internet n’existait pas. Où les disques américains traversaient l’Atlantique au compte-goutte. Nous sommes à la fin des années 50. Jacques Demêtre, journaliste à la revue «Jazz Hot», et son copain apprenti boucher Marcel Chauvard, sont fous de blues. Quand les deux jeunes gens s’envolent vers les États-Unis pour une série de reportages sur les bluesmen, c’est une terra incognita qu’ils abordent. Si les fans de jazz européens ont déjà traîné au pied des scènes de Harlem, peu ou pas de blancs ont fréquenté les clubs noirs de Chicago ou Detroit.
Les deux Français vont côtoyer B.B. King, Muddy Waters, J.B. Lenoir et autres géants en devenir. Le récit circonstancié et candide de cette odyssée s’émaille de maintes images, maladroites parfois, émouvantes toujours. La photo de John Lee Hooker en couverture est devenue iconique.
Concerts – Trop VIP

On ira tous au paradis. Mais avant, on va au concert. Voir Michel Polnareff, le 4 juin à l’Arena. Ou Renaud (l’entendre est moins évident), le 13 mars au Théâtre du Léman, le 14 mars à la salle Métropole. Le sésame pour «l’amiral» coûte 77 fr. 40 premier prix, 182 fr. 50 pour le «carré d’or». La «chetron sauvage» est accessible dès 59 fr. 10, de loin le plus petit prix de notre sélection. Depardieu chante Barbara, c’est extra. C’est au Théâtre de Beaulieu le 15 mars, de 90 fr. 50 à 160 fr. 50. Quant à Mylène Farmer, le 17 juin au Stade de Genève, prévoir 231 fr. 90 pour le carré d’or, ou 91 fr. 50 la place debout.
Portraits – Des people sous un angle classe

Carla Bruni en chute de reins claquant le tapis, Arnold Schwarzenegger en Adam colossal au purgatoire, le dieu Carl Lewis tout aussi nu, Iggy Pop à la peau de sharpeï… toute une humanité sublime transpire dans les mises en scène d’Annie Leibovitz durant quarante ans. Immortalisés par la New-Yorkaise, les monstres sacrés offrent une intimité éphémère tout en se figeant dans une mythologie pop durable. Entre humour et dérision, cette héritière de Cartier-Bresson et Robert Frank dédramatise volontiers: «Les gens me disent: «Tu as vraiment capturé l’esprit de machin!» Et je rigole. Car une séance photos n’est qu’un moment passé avec une personne. Pour l’approcher, il aurait fallu tout arrêter, rester un an avec elle. En réalité, il s’agit d’un jour ou deux…» C’est ce pesant de légèreté pourtant que capture ce lourd recueil dérivé du «sumo collector» de la photographe en 2014 chez Taschen.
The Met HD – Live Grandes voix

Avant «Lohengrin», «Falstaff» ou «Don Giovanni», la saison du Metropolitan Opera de New York diffusée en live dans cinémas Pathé va créer ce mois-ci «The Hours», de Kevin Puts, opéra basé sur le film de 2002 avec Nicole Kidman, Julianne Moore et Meryl Streep dans le rôle de trois femmes à des époques différentes. Joyce DiDonato endosse le rôle de Virginia Woolf, entourée de Kelli O’Hara et Renée Fleming. Les voix sont toujours majuscules au Met jusqu’à «La flûte enchantée» en juin.
Pathé Flon et Balexert, sa 10 déc. (18 h 55). www.pathe.ch
Art religieux – Bille côté verre

En Valais, Edmond Bille (1878-1959) a trouvé la terre d’élection qui l’a fait peintre de genre. Auprès de cette société rurale qu’il exalte en chroniqueur et défenseur d’un art identitaire. Mais la liberté d’être un et tous les artistes à la fois a aussi amené ce chantre d’un langage décoratif au vitrail. Bille, suivi ici dans ses œuvres religieuses par le spécialiste de son travail Bernard Wyder, a réalisé pas moins de 150 vitraux, à voir entre la cathédrale de Lausanne et l’abbaye de Saint-Maurice.
Street art – Banksy hors les murs

On commence par une énigme sur le lieu et la date de sa naissance. Normal… il est question de Banksy, l’artiste qui se fond dans un épais mystère et dans la légende qui forcément l’habille. Et comme le rappellent les auteurs de cette traversée d’un travail de plein air, essentiellement mural, «les seuls faits avérés en toute objectivité, ce sont ses œuvres». Sommes-nous même en capacité de les dénombrer? Pas sûr. Mais une fois encore, qu’importe! Dans cet ouvrage qui les capture au fil de ses 240 pages, le bonheur est dans les retrouvailles avec des travaux anciens – un poster pour Greenpeace – ou des pièces moins virales que la «Petite fille au ballon», comme la vache recouverte de portraits d’Andy Warhol ou le meurtre d’une cabine téléphonique. Si ce voyage en terres subversives est avant tout visuel, l’itinéraire ne s’interdit pas d’être explicatif. En toute simplicité!
Art aborigène – Les 1001 points

Aussi fous d’art aborigène qu’ils en sont habités, les Vaudois Joëlle et Pierre Clément ont non seulement réuni l’une des collections privées les plus significatives, mais ils n’ont de cesse de la partager. En 2019, ils acceptaient d’en montrer une sélection au Kunsthaus de Zoug (leur autre lieu de domicile), et les voilà de retour vers le public dans un beau livre (allemand-anglais) pour faire circuler ces œuvres acquises sur place dans un esprit de rencontre avec les artistes.
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