Metin Arditi déclare son amour à la Suisse
Auteur de nombreux romans, dont «Le Turquetto», l'écrivain et mécène lémanique d'origine turque signe le «Dictionnaire amoureux de la Suisse». Un ouvrage tout en finesse et en admiration.

Ecrivain, physicien, homme d'affaires et mécène, Metin Arditi a les talents multiples que nécessite l'appréhension d'un sujet aussi complexe que la Suisse. Avec le Dictionnaire amoureux de la Suisse, il pose sur son pays d'adoption un regard admiratif, parfois étonné et toujours amoureux. C'est le titre de son prologue: «On aime la Suisse de la même manière qu'un homme s'attache aux défauts d'une femme presque parfaite, car ce sont eux qui lui donnent son humanité.»
Comment avez-vous choisi les entrées de ce «Dictionnaire amoureux de la Suisse»?
Sur chacune des vingt-six pages paires d'un cahier, j'ai mis une lettre majuscule. Ensuite, au hasard Balthazar! Mais je ne me suis pas lancé tout de suite. Cela m'a pris bien quelques semaines. Lorsque j'ai commencé à écrire, ce n'était absolument pas dans l'ordre alphabétique. Ma première entrée, c'était Crans-sur-Sierre.
Est-ce qu'il y a eu des entrées abandonnées et d'autres que vous avez repêchées dans un souci d'équilibre?
Abandonnées: franchement aucune. En revanche, il y a quelques entrées ajoutées sur la fin et une en particulier qui m'a passionné: La Chaux-de-Fonds. J'avais souvent été à La Chaux-de-Fonds mais je suis revenu de ce voyage enthousiaste.
Devoir coucher sur le papier des ressentis vous a-t-il contraint à formuler ces intuitions? Vous parlez de révélations.
Mon degré d'ignorance était plus profond que ça. La chose qui m'a le plus frappé au terme de cet exercice est que la Suisse, qu'on a tendance à considérer comme un pays simple avec ses vaches et son cor des Alpes – qui n'est pas vraiment un stradivarius –, est un pays extraordinairement astucieux. Sa grande ruse, c'est justement de ne pas mettre cette astuce en avant. La Suisse est un pays maîtrisé, très intelligent, très habile. Ça, personne ne s'en doute: ni les étrangers ni même les Suisses, parfois (rires).
De César Ritz à Albert Gallatin, vous célébrez de grands destins qui restent largement méconnus en Suisse.
C'est une tradition d'humilité. C'est aussi une grande sagesse. Car personne ne résiste à la vanité: pas même les Suisses, qui sont des êtres humains comme les autres (sourire). On peut donc essayer de ne pas se propulser en situation de vulnérabilité face à ces sentiments. C'est la tradition suisse, mais aussi celle de l'éthique protestante. Encore une fois, ce n'est pas tant un système de valeurs qu'une intelligence, une idée terre à terre. Cela nous préserve des grandes vanités.
A qui offririez-vous ce dictionnaire amoureux de la Suisse?
Certainement aux jeunes Suisses, qui trop souvent ne sont pas conscients des qualités extraordinaires de leur pays. Ils le regardent un peu de haut parce que, c'est vrai, il n'y a pas la gloriole que l'on retrouve dans d'autres civilisations.
Et à quel grand personnage de l'histoire pourrait-il inspirer quelque réflexion?
Difficile, il ne faut pas que cela devienne une leçon. Mais pour jouer le jeu, je dirais: Napoléon. Pour lui glisser que ce qu'il a fait, cette centralisation à outrance, cette surpuissance de l'Etat, n'est pas ce que l'on fait en Suisse. On peut prendre le problème par l'autre bout. Le pouvoir n'est pas que centrifuge. C'est-à-dire que le centre, par sa grande bonté, donne quelques bribes à la périphérie. Le pouvoir en Suisse est centripète: il part de la commune, il passe par le canton et il arrive parfois à l'Etat. Mais la Suisse est avant tout un pays de cantons et de communes. Tout cela se fait dans un système d'équilibres permanents qui ne cherche pas les grandes constructions esthétiques cartésiennes mais qui veut fonctionner. Et il y parvient à merveille.
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Expliquer le mystère suisse sans le résoudre
«Si vous vous occupez de condition humaine et que vous butez sur un paradoxe, c'est que vous êtes sur la bonne voie.» Cette sentence de Jeanne Hersch, grande philosophe genevoise, Metin Arditi l'a mise en exergue plus d'une fois jeudi soir lors de la présentation à l'ambassade de Suisse de Paris du Dictionnaire amoureux de la Suisse. Et les paradoxes, évidemment, la Suisse les empile. Metin Arditi a choisi de ne pas les défier mais simplement de les raconter avec les yeux de celui qui s'est enflammé pour son pays d'adoption. Sa finesse d'esprit le dispute donc parfois à une certaine fougue qui dit la subjectivité normale animant un dictionnaire «amoureux». Tout d'abord, il y a l'attendu, qu'il s'agit de donner à voir sur un jour nouveau. Alinghi, Roger Federer, Joël Dicker, Nicolas Bouvier, Jean Ziegler, la banque privée, la Migros ou encore Jacques Chessex. Entre autres Suisses qui brillent dans leur discipline. Et autres spécificités bien helvétiques qu'il met en exergue d'un ton aussi didactique qu'amusé. Oui, le Tobleronne et Ovolmatine sont aussi constitutifs de la culture nationale. La Suisse se vit aussi dans la dégustation du bricelet, dont il donne la recette très gourmande, ou sa visite guidée des vins suisses. C'est très bon de faire durer les mots que Metin Arditi a mis sur ces impressions fugaces. On le préfère encore quand il s'enflamme pour les oubliés de la notoriété. La grande. Celle qui dépasse nos frontières nationales. Charles Ferdinand Ramuz, Maurice Chappaz, Corinna Bille, Georges Haldas et, encore, Alexandre Yersin – pour sortir du seul univers littéraire, qui occupe beaucoup Metin Arditi – ont trouvé en ce dernier un avocat hors pair. On entend le plaidoyer pour réparer l'injustice faite à ces grands auteurs de n'être réduits dans la francophonie qu'au statut de régionalistes. En plus de 600 pages et près de 200 entrées, Metin Arditi offre une évocation sensible de la Suisse. On y sent l'auteur et sa subjectivité. C'est d'ailleurs surtout un dictionnaire amoureux de la Suisse romande, car la Suisse alémanique n'y est qu'effleurée. Les cantons de Genève et Vaud y sont très largement représentés.
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