Mélenchon et Hamon rivalisent à Paris
La leader de la France insoumise marche pour la VIe République. Le candidat du PS appelle au rassemblement. Démonstrations de force.

«C'est une insurrection citoyenne»
Des milliers de drapeaux bleu blanc rouge ont remplacé les balais d'il y a cinq ans, quand les brosses brandies haut sur la place de la Bastille devaient être le symbole du «dégagisme». Mais Jean-Luc Mélenchon veut toujours renverser la table et aime encore autant les symboles. Bonnets phrygiens sur la tête, ses partisans scandent «Résistance, résistance!» avant de chanter «Le temps des cerises», l'ode des communards, dans une odeur de merguez qui rappelle celle des manifestations contre la loi Travail.
Ce samedi (un 18 mars, jour anniversaire du début de l'insurrection de la commune de Paris) le héraut autoproclamé de la «France insoumise» entend faire de la Marche pour une VIe République le plus grand rassemblement populaire de la campagne présidentielle. «Nous sommes 130 000!» se félicitent ses partisans sur la place de la République. Le chiffre est sans doute surévalué mais la place est bondée. «Il n'y a pas d'hologramme?» (en référence à un meeting tenu à Lyon et le même jour à Paris par hologramme), s'inquiète en rigolant une dame qui, noyée dans la foule, craint de ne pas voir son champion. «C'est un mouvement populaire qui fait du bien», s'enthousiasment Jean-Pierre et Nathalie, deux retraités de l'enseignement venus en car du Pas-de-Calais. «C'est plus le mouvement des insoumis que le personnage qui nous intéresse», expliquent-ils. «Les partis, c'est fini. Les programmes doivent venir de la base». Ceux-là admettent qu'ils ne croient pas à la victoire. Quoique. «Cette campagne est tellement bizarre que qui sait si Macron ne va pas dégringoler?»
Sur les calicots, il y en a pour tous les goûts. Pour l'inscription de l'IVG dans la Constitution, pour le droit de mourir dans la dignité, pour un changement d'état civil libre et gratuit ou pour un droit de révocation des élus. L'écrivain Laurent Binet chauffe la place. «L'histoire n'en a pas fini avec la gauche», dit-il en citant le poète espagnol Pablo Neruda. Le psychanalyste Gérard Miller fait siffler Macron: «On nous demande de voter utile. Mais ils ont eu cinq ans pour faire de la politique utile», lance-t-il sous les huées. Avec la bénédiction de Bernard Lavilliers, une chorale ouvrière entame à capella sa chanson «Les mains d'or», hommage aux travailleurs de l'acier.
«Nous sommes à un tournant de notre histoire!» s'exclame Jean-Luc Mélenchon. Plus tribun que jamais, le candidat prend presque des accents de Malraux. «C'est une insurrection citoyenne contre la monarchie présidentielle», scande-t-il. Celui qui assume le qualificatif de populiste sort les grosses timbales. «Quel que soit le problème, la solution, c'est le peuple», dit-il. Avant d'attaquer sans les nommer ses adversaires préférés, Marine Le Pen et Emmanuel Macron. «Il faut faire cette révolution citoyenne si vous ne voulez pas subir un coup d'Etat ethnique ou un coup d'Etat financier», harangue-t-il, très en forme.
Alors qu'il stagne autour de 12% dans les sondages, Mélenchon réussit son pari de la mobilisation populaire et met à cet instant Benoit Hamon au défi d'en faire autant. Pour son équipe, c'est de bon augure avant le débat de ce lundi. «De la vitamine pure», veut croire son bras droit Alexis Corbière.
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«Le PS fait battre le cœur de la gauche»
C'est la réponse du berger à la bergère. Les militants du PS veulent croire qu'ils font encore «battre le cœur de la gauche»: c'est l'un des slogans de la campagne de Benoît Hamon. Ce dimanche, dans un Bercy plein à craquer, l'ambiance est électrique: 20 000 personnes à l'intérieur et 5000 à l'extérieur devant un écran, selon les organisateurs. Tous veulent s'assurer qu'ils sont encore l'épicentre de la gauche française rassemblée derrière le vainqueur de leur primaire. La veille (lire ci-contre), le candidat de la France insoumise Jean-Luc Mélenchon a placé la barre haut avec un rassemblement réussi en plein Paris. «Si ça continue comme ça, on va gagner la présidentielle dès le 1er tour!» rigole Yves dans la file qui serpente sur plus d'un kilomètre autour de Bercy. Des bus continuent d'arriver de partout en France. Là, un groupe qui prend la photo souvenir. Ici, un autre qui donne de la voix avec des «Hamon, président!»
Très actifs dans leur fédération, Yves et Jean-Jacques, tous deux la soixantaine, continuent sur le ton de l'humour à raconter comment ils travaillent depuis dix jours à rassembler ce qui reste de militants pour doper l'affluence. «Le capitaine de pédalo a décimé le parti. C'est d'autant plus navrant que des ministres comme Bernard Cazeneuve et Jean-Yves Le Drian ont fait un travail remarquable», glissent-ils. Et de se féliciter surtout du regain de mobilisation des Jeunes socialistes qui, à 80%, soutiennent Benoît Hamon. D'ailleurs, c'est là qu'il a commencé sa carrière en 1993. C'est tout naturellement pour cet auditoire jeune que la salle est chauffée avec deux groupes de chanson et de pop. Ils rythment les interventions de Christiane Taubira, Najat Vallaud-Belkacem ou encore Paul Magnette, figure du PS belge. Quand débarque enfin Benoît Hamon, le parterre est chaud bouillant. «Tout commence aujourd'hui, tout commence avec vous!» lance-t-il en ouverture.
Le candidat du PS enfile un discours de présidentiable. Benoît Hamon est galvanisé, dense, précis dans ses propos de rassemblement et de reconquête de la gauche. «Le parti de l'argent a trop de candidats dans cette élection. Il a même plusieurs partis, plusieurs noms, plusieurs visages», s'amuse Benoît Hamon dans ce détournement habile de la citation de François Hollande lors du discours du Bourget. «Mon ennemi, c'est la finance qui n'a pas de parti, etc.»
Ces partis de l'argent, ce sont celui d'Emmanuel Macron qui «dit: enrichissez-vous!» et ceux de Marine Le Pen et François Fillon qui «disent: enrichissez-nous!» Le champion du PS prend soin de ne jamais citer les noms de ses adversaires, mais la salle a compris.
Pour se relancer dans cette élection où le second tour lui paraît interdit, il décline tous les totems de la gauche: l'égalité des chances, l'antiracisme et les droits de l'homme. Il n'hésite pas à parler de trahison de l'esprit du Conseil national de la résistance, quand la droite et les sociaux-démocrates s'accommodent de renoncements face à la montée de l'extrême droite. Le candid n'évoque quasi jamais les mesures de son programme, mais propose une vision de la France. Il termine ainsi par une adresse à «une petite fille qui écoute dans la salle ou devant la télévision» et qui, un jour briguera la présidence. En attendant, «je serai un président féministe», lance-t-il, lyrique.
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