À quel moment de l’histoire la diplomatie suisse a-t-elle perdu les pédales? À quel moment, à force de «pragmatisme», de pensée politique sans politique, s’est-elle engluée vis-à-vis du monde, du Moyen-Orient, de l’Europe?
Il s’agit de vraies questions, désormais, tant chaque matin nous amène son lot de mauvais offices et de reptations de salon. Regardez, au hasard de cette semaine, Nadine Olivieri Lozano, portant si souriante son chouette hijab à Qom, aux côtés des mollahs alliés des Russes. Cela en cette République islamique d’Iran qui a déjà tué, violé ou pendu en quelques mois environ 500 personnes, dont des dizaines de gosses, selon les ONG ou l’ONU, torturant et emprisonnant plus de 14’000 autres personnes, parce que des femmes folles de courage enlèvent leur voile pour conquérir un instant de liberté.
Quel message leur transmet donc le soleil voilé de noir de l’ambassadrice, génuflexion mentale devant les babouches des barbus? La fable ressassée demeure celle d’un endroit spécial en raison du mandat de puissance protectrice que la Suisse y exerce, représentant en Iran depuis 1980 les intérêts des États-Unis. Cela contraindrait à faire profil bas, suggère-t-on. Ose-t-on tout de même rappeler que c’est précisément parce que la Suisse d’alors, représentée à Téhéran par l’influent ambassadeur Erik Lang, y disait des choses fortes, notamment sur la violation des conventions de Vienne, qu’elle fut choisie pour ce rôle? Quel résultat cependant, quarante-trois ans plus tard? Les Américains et les Iraniens se sont-ils réconciliés, se comprennent-ils mieux grâce à nos bons offices? Vous connaissez la réponse.
La diplomatie de notre pays fut jadis celle de gens cultivés, brillants, voyageurs, parfois issus de familles assez anciennes pour connaître un peu le secret du monde, ses nuances et conflits sourds. Voici venu le temps des fonctionnaires nombrilistes qui se fourvoient sur tout. Sur l’Union européenne et l’accord-cadre, mini-Brexit à l’helvétique. Sur la Russie, où un ambassadeur qui aimait faire son numéro médiatique nous jurait qu’elle n’attaquerait jamais l’Ukraine.
Regardez désormais, au hasard encore de cette semaine, le tweet envoyé par le chef du DFAE, Ignazio Cassis, après un an de guerre. Une mignonne photo de lui avec Volodymyr Zelensky. Ça ressemble à un selfie, style petit Cassis et grande vedette. Il lui écrit sa solidarité, sans dire une fois le mot Russie, au vu de «la triste ampleur des dégâts causés à votre pays et à votre peuple». Des dégâts, pas plus? Plus de 100’000 victimes, soldats, civils par milliers, femmes, enfants, d’autres déportés dans des camps russes, villes détruites, centaines d’hôpitaux bombardés. Pourquoi ne pas proposer vos charmants bons offices à Monsieur Poutine, pendant que vous y êtes, cher Monsieur Cassis? Cette «diplomatie» fait honte.
Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.
1000 vies – Mauvais offices