Maudet est prêt à rendre son passeport français
Attaqué sur sa binationalité, le candidat veillera à éviter tout soupçon s'il est élu à Berne.

Peut-on briguer une place au gouvernement suisse tout en possédant une autre citoyenneté que la seule helvétique? La question se pose à Pierre Maudet, candidat déclaré depuis vendredi à la succession de Didier Burkhalter au Conseil fédéral. A cette occasion, le libéral-radical s'est vu rappeler sa binationalité franco-suisse par la parlementaire genevoise Céline Amaudruz. Celle qui est aussi vice-présidente de l'UDC nationale a alors stipulé que son parti avait à cet égard une «réserve», affectant aussi la candidate vaudoise Jacqueline de Quattro, Italo-Suisse.
«Ce n'est pas la question des origines du candidat qui nous préoccupe, mais celle de son allégeance, développe Marc Fuhrmann, président de l'UDC genevoise. Il faut imaginer que Pierre Maudet pourrait devenir président de la Confédération et, lors d'une visite d'Etat à Paris, devrait montrer son passeport français à son arrivée. C'est tout simplement absurde à un tel niveau de pouvoir! Il deviendrait presque un mercenaire français en Suisse!»
Tout le parti ne semble toutefois pas arc-bouté sur cette position. Interrogé il y a dix jours par la Schweiz am Wochenende, le chef du groupe UDC aux Chambres a jugé que la binationalité n'était «pas un obstacle». Le positionnement politique, notamment sur le dossier européen, importe davantage à Adrian Amstutz.
Une situation si courante
Reste que l'anathème jeté sur la binationalité a fait jaser à Genève, à en juger par les nombreuses réactions sur les réseaux sociaux. La magistrate socialiste Sandrine Salerno s'en est notamment étonnée: «J'ai été surprise de voir cette critique émaner d'une Genevoise alors que nous devrions promouvoir comme un atout et une force nos origines multiples, réagit l'argentière de la Ville de Genève, trinationale franco-italo-suisse. La binationalité de Pierre Maudet n'a jamais constitué un problème lors de ses mandats genevois, aux plans municipal et cantonal.»
La binationalité couplant une citoyenneté suisse à une autre étrangère est en effet loin d'être marginale. L'Office cantonal de la statistique estime qu'elle concernait ces dernières années quelque 90 000 Genevois de 15 ans ou plus, représentant 29% de cette tranche d'âge. A l'échelle nationale, selon l'Administration fédérale, 873 046 Suisses et résidents possèdent une autre nationalité.
Parer aux suspicions
Comment Pierre Maudet réagit-il? «Je suis né en Suisse, y ai toujours vécu, suivi ma scolarité, fait mon armée et exercé tous mes mandats politiques, précise celui qui tient sa citoyenneté tricolore de son père. J'ai reçu la nationalité française à ma naissance, sans l'avoir demandée. Ma binationalité ne fait pas de moi ni des quelque 900 000 Suisses qui sont dans le même cas des citoyens de seconde zone.»
Reste que le candidat prendrait des mesures en cas d'élection. «Si je devais être nommé conseiller fédéral, après une discussion collégiale, je pourrais rendre mon passeport français, quitte à le reprendre à la fin de mon mandat. Ma fidélité est toujours allée à la Suisse. Je ne ressens pas d'allégeance envers la France, mais je ne veux pas en être soupçonné. Et si je vote lors des scrutins français, c'est parce que c'est mon devoir comme ressortissant d'une démocratie.» Sa binationalité l'a-t-elle déjà mis en porte-à-faux dans ses fonctions? «Je n'ai jamais ressenti aucun malaise ou conflit d'intérêts.»
«Pas de complaisance»
Qu'en dit Mauro Poggia, autre binational à l'Exécutif genevois? «Il faut examiner les attaches à un pays tiers au cas par cas, mais je n'ai jamais senti chez Pierre Maudet la moindre complaisance envers nos voisins, même sur des sujets comme la préférence cantonale», témoigne l'Italo-Suisse, élu MCG. Et d'avertir: «Si la binationalité devient une entrave, les candidats se feront toujours plus rares!»
La Constitution n'empêche en tout cas pas un binational d'accéder au sommet. Elle dit que les conseillers fédéraux sont «choisis parmi les citoyens et citoyennes suisses éligibles au Conseil national» (article 175), soit «tout citoyen ou citoyenne ayant le droit de vote», (article 143). Un droit que l'article 136 donne à «tous les Suisses et toutes les Suissesses ayant 18 ans révolus qui ne sont pas interdits pour cause de maladie mentale ou de faiblesse d'esprit». Il précise que «tous ont les mêmes droits et devoirs politiques».
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