Malgré la contestation, Bouteflika a fini par déposer sa candidature
Le président brigue bel et bien un cinquième mandat. Il n'était pourtant toujours pas revenu de Genève dimanche soir.

Fin du suspense. Le président Abdelaziz Bouteflika, 82 ans, se présentera bien pour un cinquième mandat le 18 avril. Il a également annoncé dimanche, dans une lettre lue par son directeur de campagne, Abdelghani Zaalane, la tenue d'une élection présidentielle anticipée et d'une conférence nationale. Pourtant, dimanche soir, le président n'était pas encore revenu de Genève où, selon le communiqué officiel, il subit depuis le 24 février des «contrôles médicaux». En raison du black-out autour de son état de santé, son absence a alimenté les spéculations. «La durée du séjour fait penser à autre chose: une aggravation de l'état de santé, ou alors une hésitation à regagner le pays pendant que la rue bouillonne», relève le quotidien francophone «Liberté». «Ces hypothèses sont toutes les deux valables. Car il n'est pas normal qu'un chef de l'État, dont la candidature à sa propre succession se trouve aussi contestée, n'entreprenne rien pour éviter que son ambition s'érode.»
Dans la forme, Fatiha Benabbou, professeur de droit public à l'Université d'Alger, s'étonne de la procédure, à ses yeux anticonstitutionnelle. «Selon les règles de fonctionnement du Conseil constitutionnel, publiées dans le «Journal officiel» le 6 avril 2016, le candidat à une élection présidentielle doit pourtant être physiquement présent! Et selon la loi électorale, seuls les électeurs ont le droit d'avoir recours à une procuration…»
«Bouteflika dégage!»
Après les manifestations de vendredi, qui, selon des estimations sécuritaires, ont rassemblé 800 000 personnes à Alger et plus d'un million dans tout le pays, les Algériens attendaient une décision forte. Le lendemain, le remplacement d'Abdelmalek Sellal, ex-premier ministre et directeur de campagne du président, après la diffusion d'un enregistrement compromettant avec Ali Haddad, le patron des patrons, a surtout été vu comme la confirmation que le chef de l'État allait bien se présenter pour un cinquième mandat. Dimanche, des centaines d'étudiants sont donc sortis à Alger et dans plusieurs villes du pays en scandant «Bouteflika dégage!» et «Pas de cinquième mandat pour Bouteflika».
Pendant ce temps, au Conseil constitutionnel, les derniers dossiers de candidature étaient déposés, notamment par le général à la retraite Ali Ghediri, le président du front El-Moustakbal («l'avenir»), Abdelaziz Belaïd (qui avait recueilli 3,06% des voix lors de la présidentielle de 2014) ou encore l'homme d'affaires Rachid Nekkaz. Abderrazak Makri, le leader du MSP (islamiste, tendance Frères musulmans), a annoncé qu'il boycotterait l'élection si Abdelaziz Bouteflika se présentait. Louisa Hanoune, leader du Parti des travailleurs, avait annoncé samedi qu'elle ne participerait pas. Quant à Ali Benflis, présenté comme le traditionnel challenger du chef de l'État, il a annoncé dimanche qu'il renonçait à se lancer dans la course. «Le peuple a pris la parole et je l'ai entendu. L'élection présidentielle, dans les circonstances actuelles, n'a ni sens ni raison d'être. Maintenue telle que conçue par les forces extraconstitutionnelles, elle ne serait que la source d'un surcroît de tensions et un terreau pour tous les dérapages», a-t-il déclaré.
«Ils ont compris qu'il était risqué de se lancer dans cette aventure tant l'élection est délégitimée», relève Soufiane Djilali, coordinateur du mouvement d'opposition Mouwatana, qui appelle au boycott du scrutin. «La mobilisation populaire est un référendum à ciel ouvert au cours duquel les Algériens ont décidé qu'il n'y aurait pas de cinquième mandat. Il est temps de passer à une solution plus sage qui respecte la souveraineté du peuple.»
Depuis quelques jours, plusieurs signes laissent indiquer des fissures dans le consensus tissé autour du cercle présidentiel. Au sein du Forum des chefs d'entreprise (FCE, syndicat patronal le plus influent), inconditionnel soutien d'Abdelaziz Bouteflika, trois entrepreneurs importants ont décidé de geler leur adhésion. Laïd Benamor, un des plus importants capitaines d'industrie du pays, a également démissionné de son poste de vice-président.
«Pari risqué»
«Dans l'absolu, le pouvoir n'a pas le choix: il doit aller jusqu'au bout de sa logique pour éviter de se retrouver dans la situation du Chah d'Iran ou du Tunisien Ben Ali, avec toutes les conséquences pour eux et leur famille», estime Mourad Goumiri, professeur des universités et membre du staff de campagne du général à la retraite Ali Ghediri. «La ligne médiane semble être une démonstration de force accompagnée des réformes du système. C'est un pari risqué.» Fatiha Benabbou le rejoint: «Ce qui se passe est très dangereux. On a l'impression qu'une partie du pouvoir veut jouer le pourrissement et amener l'Algérie vers une crise politique. Mais le président a prêté serment sur le Coran. Il s'est engagé à protéger l'Algérie, ses institutions et la volonté du peuple. Or la volonté du peuple, on l'a entendue…»
Avant l'annonce d'élections anticipées, «un million et demi» de personnes ont été invitées par un nouvel appel anonyme sur les réseaux sociaux à manifester vendredi 8 mars dans tout le pays.
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