Wellness et montagneLuxe et bonne conscience en Valais
C’est à Crans-Montana que la fameuse chaîne hôtelière Six Senses a ouvert son premier «resort» en Suisse. On y découvre que la quête de soi-même est un loisir onéreux.

Mille six cents francs: tel est le prix d’une nuit en chambre double à l’hôtel Six Senses de Crans-Montana. Le petit-déjeuner est compris, mais pas le repas du soir.
En février, Six Senses a inauguré sa première adresse avec spa en Suisse, dans la station valaisanne. La marque de luxe, qui en compte déjà 22 dans 18 pays, prévoit d’en ouvrir encore une fois autant. Avec ses hôtels en harmonie avec la nature et les communautés locales, Six Senses incarne le «luxe au naturel» et rassemble un vaste réseau d’adeptes dans le monde entier.
Que ce soit sur une île tropicale, dans un coin de désert ou dans un centre urbain, le groupe s’est donné pour mission d’aider ses hôtes à renouer avec eux-mêmes. Pour ces «hippies de luxe», comme se surnomment volontiers les fans de la marque, séjourner à la montagne sera une première.
Des maillots de bain en PET
Le resort se trouve sur le versant ensoleillé de Crans, juste au-dessus de la télécabine. L’hiver, la piste débouche presque directement dans le local à skis. Pour l’instant, 45 chambres et suites sont disponibles; un troisième bâtiment devrait être achevé d’ici à la fin de l’année.
Avec ses allures de chalet, ses meubles en bois de la région, l’ensemble s’inspire de l’architecture locale. Tous les matériaux sont naturels, même la clé électronique est en bois. Et les jolis bikinis en vente à la boutique sont fabriqués à partir de bouteilles en PET recyclé.
Matteo, notre Guest Experience Manager (GEM), porte un blazer bleu orné de gentianes et d’edelweiss digne d’un véritable armailli. Cet Italien parle l’anglais sans accent. En tout, 150 hommes et femmes de 30 nationalités travaillent ici, la langue «officielle» est l’anglais. Aimables et attentifs, les collaborateurs – appelés «hosts» – paraissent très motivés.
Matteo s’occupe de notre programme, car chaque séjour, des soins au spa en passant par la nourriture, doit s’adapter aux besoins de la clientèle. Bien entendu, cela a un prix – qu’un client de Six Senses ne demande pas…
Chaque établissement imagine un rituel d’arrivée à partir des spécificités locales. Matteo nous emmène donc vers un mur orné de six cloches de vache. À nous de choisir celle dont le son nous accompagnera durant notre séjour. Chacune incarne un sens – vue, ouïe, odorat, goût, toucher –, plus une pour l’intuition. Chez Six Senses, on s’efforce de tous les solliciter. L’odorat est le premier titillé: l’hôtel sent bon – une création olfactive a été conçue sur mesure pour l’établissement, révèle Matteo.
Celui-ci nous conduit à notre chambre, où le check-in s’effectue en toute simplicité, sans attente. Vaste et stylée, la pièce dispose d’une terrasse et d’une baignoire sur pieds. La pierre est omniprésente, jusqu’à la salle de bains, avec les volumineux distributeurs de shampooing, de savon et de lotion pour le corps. Le bois aussi – dont est fait le manche de la brosse à dents! Quant au dentifrice, il ne sort pas d’un tube, mais se présente sous forme de comprimés…
On aime la lunette des WC chauffante; moins le système qui télécommande l’éclairage, les stores et les rideaux. Nous mettons dix bonnes minutes à allumer la lampe de lecture sans arriver à déclencher l’ouverture des rideaux.
Les capsules de la machine à expresso sont offertes, mais dans le minibar, la moindre cacahuète se paie. Et l’adorable peluche «Charlotte la marmotte», qui est assise sur le canapé, coûte 65 francs. Une somme qui permet de soutenir des projets locaux visant à protéger la nature, telle la lutte contre les plantes invasives.
Et maintenant direction le spa, un espace de 2200 m2 qui constitue le cœur de l’établissement. On s’agace de ne trouver, pour nous femmes, que deux peignoirs XL et d’immenses chaussons (évidemment réutilisables) en feutre gris. Le concept de «qualité de service maximale» a encore des progrès à faire. Ici, le maillot est de rigueur pour apprécier les saunas, bains de vapeur, fontaines de glace, ainsi que la piscine extérieure chauffée et le grand bassin sur le toit-terrasse. L’été, le cinéma en plein air où passeront des «James Bond» et d’autres classiques y prendra ses quartiers.
Détente… même pour les chiens
On peut se faire masser de la tête aux pieds dans l’une des neuf cabines dédiées aux traitements personnalisés (310 francs pour 90 minutes de bonheur). Un service dont même les chiens peuvent bénéficier, mais uniquement en chambre et à condition qu’ils soient bien éduqués et pèsent moins de 20 kilos. Enfants et adolescents disposent de leur propre spa.
Le petit-déjeuner n’a rien d’éblouissant: une poignée de fromages suisses voisinent avec un peu de viande, du lard valaisan, de la viande séchée des Grisons, quelques pains à couper soi-même. Côté douceurs, du yaourt, du muesli, des quartiers de pomme et de poire marinés, ainsi que deux petits bols de groseilles et de myrtilles.
On cherchera en vain les ananas, mangues, avocats et autres fruits exotiques que l’on déguste volontiers à l’hôtel. C’est que le buffet se compose, dans la mesure du possible, exclusivement d’aliments issus d’un rayon de 50 kilomètres au maximum. Régionaux et de saison, autrement dit. Les baies proviennent de la Maison tropicale à Frutigen, dans le canton de Berne.

L’offre est limitée, certes, mais en cuisine, le chef connaît le nom de la vache qui a donné le lait. Et rien ne se perd: s’il reste des petits fruits, on les sèche et on les met dans des bocaux en guise de décoration. Point d’Assugrin, un édulcorant dont la production est tout sauf durable, nous explique-t-on. Point de journaux non plus, pour éviter de gaspiller le papier.
Pour bien commencer la journée, la jeune femme qui assure le service nous tend un petit verre de Rocket-Fuel. Elle éclate de rire face à nos mines déconfites: seul le chef apprécie cette boisson au vinaigre.
Le chef, justement, c’est Christian Gurtner, directeur de l’hôtel, l’un des rares Suisses de l’établissement. Il a grandi à Interlaken et travaillé pendant vingt-cinq ans aux quatre coins du monde dans l’hôtellerie de luxe, avant de revenir à la montagne. Le fait qu’il soit tout juste devenu papa et souhaite voir sa petite Uma grandir en Suisse y est certainement pour quelque chose.
Pas de journaux, pas d’édulcorant, est-ce pour se passer de tout cela que l’on paie aussi cher? «Nous n’interdisons rien, tout peut être commandé à la réservation, même votre quotidien préféré ou l’Assugrin», sourit-il. Reste la question du prix exorbitant des chambres. Il s’expliquerait par de nombreux facteurs, du personnel «nombreux et mieux payé que la moyenne» aux matelas confectionnés à la main.
«Une grande partie de notre offre ne se monnaie pas», souligne encore Christian Gurtner. Ainsi en va-t-il d’une visite chez un éleveur de chèvres ou d’un atelier de fabrication de papier ciré destiné à remplacer le plastique. De quoi prolonger le mode de vie façon Six Senses chez soi.
Reste que, même si l’on pousse le respect de l’environnement jusque dans les plus infimes détails, un gros hic demeure, et non des moindres: pour se faire du bien sans se fâcher avec la nature, les hippies de luxe n’hésitent pas à parcourir des milliers de kilomètres… en avion.
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