Gel de fonds record chez SyzLe magnat angolais qui avait mis sa fortune à l’abri à Genève emprisonné
Cette arrestation pourrait retarder la levée des séquestres apposés par la justice genevoise sur 856 millions de francs déposés par Carlos Manuel de São Vicente à la Banque Syz.

Le magnat angolais de l’assurance qui avait mis sa fortune à l’abri à Genève, avant d’intéresser la justice du canton en 2018, est emprisonné depuis un mois au centre pénitentiaire de Comarca Viana, à Luanda. Son arrestation reflète un retournement aussi rapide que complet des autorités angolaises face à l’homme qui exploitait un juteux monopole: l’assurance des plateformes offshore exploitées par les «majors» au large du troisième pays pétrolier du continent.
Cette volte-face pourrait retarder la levée des séquestres apposés par la justice genevoise sur 856 millions de francs déposés par Carlos Manuel de São Vicente à la Banque Syz.
Déçu par son banquier
L’affaire avait été déclenchée le 7 novembre 2018 après dénonciation de la banque au bureau de lutte antiblanchiment – le MROS. Soupçon invoqué? Ce client clé pourrait ne pas déclarer son patrimoine au fisc dans son pays. Ce n’est cependant pas la seule raison, à en croire le blâme infligé le mois dernier à Syz par son autorité de tutelle. La FINMA évoque un «manquement dans [sa] lutte contre le blanchiment».
Ce signalement était intervenu alors que les relations se tendaient avec un client qui, au fil de courriels, avertissait le banquier Eric Syz qu’il allait sortir tout son argent de l’établissement. L’irruption de la justice genevoise l’en empêchera. Sa fortune reste bloquée quai du Rhône, en dépit des requêtes de ses avocats.
Luanda se ravise
«Il n’y a aucune preuve en Angola de corruption, de blanchiment d’argent ou de participation économique aux délits décrits dans [votre] commission rogatoire.» Forte de plusieurs centaines de pages, la réponse envoyée à la mi-août par les autorités angolaises au Ministère public genevois semblait pourtant pointer en faveur d’une levée du séquestre.
«Le prévenu est devenu actionnaire d’AAA Seguros au détriment de Sonangol»
Depuis, tout a basculé. L’enquête suisse sur l’homme qui valait 1 milliard fait les gros titres en Angola. Réentendu par la police à Luanda, il est placé en détention le 17 septembre.
Les procureurs angolais, qui l’avaient absous un mois plus tôt, le soupçonnent désormais d’être devenu propriétaire à 90% de la société d’assurance AAA Seguros «au détriment de Sonangol», le bras pétrolier de l’État, en lui causant «des pertes de plus de 900 millions de dollars». Selon le mandat d’arrêt émis par les autorités angolaises, l’homme d’affaires aurait monté «un stratagème» afin de «s’approprier de façon illégale les bénéfices du système d’assurance du secteur pétrolier».
Accusations «politiques»
Semblant valider les soupçons à l’origine de la procédure genevoise, cette nouvelle enquête de Luanda fait tomber le ciel sur la tête de l’homme d’affaires, dont la famille se trouvait alors au Portugal. «Ces accusations sans fondement montrent que la tournure prise par les événements est uniquement motivée par une décision politique», a dû réagir son avocate genevoise Clara Poglia dans un communiqué.
«Il y a deux mois, l’État angolais attestait n’avoir aucun reproche à l’endroit de M. de São Vicente»
Jointe hier, cette dernière rappelle que l’homme de 60 ans «avait été, dans le cadre de son activité à la Sonangol, chargé de restructurer la gestion des risques des opérations pétrolières, ce qui a conduit à la création d’une société angolaise permettant de sauvegarder cette activité d’assurance dans le pays». L’associée de l’étude Schellenberg Wittmer ajoute que ce rôle d’assureur des compagnies pétrolières dans le pays lui a été retiré en 2016, alors que la compagnie nationale était reprise par la fille de l’ancien président Dos Santos.
Privé de contrats, Carlos Manuel de São Vicente avait depuis organisé la liquidation de sa société. Notamment en démêlant l’écheveau des avances en dollars qu’il avait concédé à AAA Seguros – la société au cœur de son conglomérat – pour lui permettre de mener à bien son activité. Selon des documents auxquels la rédaction a eu accès, elle lui a ainsi rendu 637 millions de dollars entre 2008 et 2018, soit les trois quarts des montants déposés à Genève. L’homme d’affaires attendait encore le remboursement de 150 millions. Peu probable qu’il les reçoive un jour.

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