
Deux textes qui faciliteront les résiliations de bail ont été votés le 7 mars par le Conseil national. Ils seront soumis au Conseil des États en juin. Que l’on soit députée PLR et membre du comité de la Chambre genevoise immobilière (CGI), comme Diane Barbier-Mueller, ou conseiller national socialiste et membre de l’Asloca, comme Christian Dandrès, les réactions diffèrent.
Rétablir des situations voulues par tous
Le mardi 7 mars dernier, le Conseil national s’est prononcé sur deux objets en lien avec le droit du bail, l’un visant à empêcher les sous-locations abusives, l’autre permettant de simplifier les résiliations de bail en cas de besoin propre du bailleur. Si l’on sort des considérations émotionnelles que suscite la pénurie de logement, il faut déjà rappeler un fait: le droit du bail a pour vocation – légitime – de protéger, en cas d’abus, la partie la plus vulnérable, à savoir le locataire, comme le fait le droit du travail avec le travailleur. C’est ainsi qu’un locataire qui se voit résilier son bail de manière abusive peut se défendre auprès d’un Tribunal et voir cette résiliation annulée. Le lobby en faveur des locataires – constitué d’avocats – en a parfaitement conscience, mais tire sa force du sentiment de peur et de division qu’il alimente avec ses initiatives et communications répétitives.
Mais revenons-en à ce que permettent réellement les deux projets de la Chambre du peuple.
Le premier souhaite empêcher les sous-locations abusives, c’est-à-dire empêcher qu’un locataire ne sous-loue son logement à un loyer bien supérieur à celui qu’il paie lui-même au bailleur, encaissant ainsi un juteux bénéfice. On peut s’étonner de l’opposition à cette requête des partis de gauche, car, selon leur message, tout loyer trop cher devrait être combattu. Ce projet formalise également une pratique déjà souvent appliquée, à savoir la validation préalable par écrit du bailleur des conditions de sous-locations. Ce dernier aura également la possibilité de refuser une sous-location qui dure plus de deux ans ou qui représente un inconvénient majeur pour lui. On constate qu’il n’y a pas de velléité de remettre en cause le principe de la sous-location, mais uniquement de sanctionner des abus commis par des locataires au détriment d’autres locataires. C’est d’autant plus juste que l’on sait bien que les sous-locataires forment une catégorie de la population souvent plus précarisée que les locataires principaux.
Le deuxième objet a pour but d’assouplir la loi en supprimant une des conditions qui permettent à un propriétaire de récupérer son logement, loué à des tiers, pour besoin propre: la notion d’urgence. En pratique, les procédures juridiques (et notamment dans le cas de recours contre la résiliation) prennent du temps et la condition d’urgence avancée pour justifier une résiliation s’avère impossible à établir. En effet, comment démontrer une notion d’urgence tout au long d’une procédure juridique alors même que celle-ci peut durer jusqu’à plusieurs années? Les autres conditions de résiliation pour un besoin propre étant maintenues dans la loi, cet objet ne fait qu’abolir une notion dysfonctionnelle.
Bien que le logement reste un sujet très émotionnel, il ne s’agit pas ici de rendre des personnes plus vulnérables, au contraire. Ces deux objets rétablissent des situations qui devraient être souhaitées par tous: empêcher les sous-locations abusives et permettre la jouissance de son bien au propriétaire lorsqu’il en a besoin.
On démolit les droits des locataires
Le Conseil national démolit les droits des locataires. La majorité (UDC, PLR, Vert’libéraux, Le Centre) achève la législature comme elle l’a commencée. En 2020, elle refusait d’aider les locataires frappé·e·s par la crise du Covid. Aujourd’hui, elle attaque la protection contre les congés abusifs. Entre deux, elle a rejeté toutes les mesures en faveur des locataires.
La seule action de cette majorité pour réduire les loyers est la suppression d’un avis officiel et des signatures manuscrites sur certaines formules. Vincent Maitre (Le Centre) a expliqué au parlement – après avoir voté la suppression de la protection contre les congés de représailles – que les lourdeurs administratives imposées aux bailleurs se répercutaient sur les loyers et que les supprimer les feraient baisser. Quel cynisme!
Les loyers augmentent chaque année alors qu’ils devraient baisser avec les taux hypothécaires. C’est 10 milliards par an de trop-perçu.
Les locataires sont dissuadé·e·s de se défendre. Qui veut faire un procès à son bailleur? Le Tribunal fédéral a également réduit la protection des locataires et soutenu les bailleurs en autorisant par exemple à congédier le locataire en place pour relouer plus cher à un tiers. En 2020, il a même repris un projet défendu au parlement par Olivier Feller (PLR - syndicat des propriétaires) qui n’avait ni été discuté ni accepté et qui permet de quadrupler le pourcentage de rendement admissible au-delà du taux de référence.
Les conséquences sont concrètes: un père de famille me demandait comment réduire son loyer. Il avait un bail de cinq ans au loyer indexé au coût de la vie. J’ai dû lui dire que, n’ayant pas contesté son loyer initial en 2020, il ne pourrait plus le faire et devrait en plus recevoir une hausse de 4,2% liée à l’inflation. Ce locataire et sa famille devront payer parce que le Tribunal fédéral juge que les bailleurs font acte d’utilité publique en investissant dans l’immobilier.
Les locataires ne peuvent plus se défendre correctement alors que l’inflation est de retour. C’est le moment choisi par la majorité pour supprimer le droit à sous-louer et la protection contre les congés de représailles. Les bailleurs veulent ainsi faciliter les congés pour profiter de l’extrême pénurie actuelle et relouer très cher. Deux autres propositions sont également en cours pour supprimer la contestation du loyer initial.
Après le Conseil national la semaine dernière, le Conseil des États votera en juin. L’Asloca est prête à lancer le référendum.
Se défendre ne suffit pas. Face à l’ampleur de la crise du logement et à la flambée des loyers, il faut agir. Le lancement d’une initiative populaire s’impose pour en finir avec ce système qui impose aux locataires d’agir en justice et laisse les bailleurs dicter leur loi. Un contrôle automatique et gratuit des loyers est nécessaire. Il faut aussi contraindre les bailleurs à réduire les loyers des baux en cours et les ramener au niveau autorisé par la loi.
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Face-à-face – Locataires malmenés?
Nos invités s’expriment sur des dispositions légales adoptées récemment par le Conseil national en rapport avec le droit de bail.