L‘islam, une religion comme les autres?
La religion musulmane, une religion européenne comme les autres? C'est bien la question posée suite à la polémique déclenchée par le manifeste des trois cents personnalités françaises publié dimanche dans le journal «Le Parisien».
Il s'adresse aux élites musulmanes de France et d'Europe, en supposant que ces gens instruits et cultivés avaient fait un travail préliminaire consistant à jeter une passerelle, un pont entre les valeurs des sociétés occidentales d'extraction judéo-chrétiennes et les postures de la religion islamique. Or, cet effort d'acculturation n'a pas été fait. L'histoire intellectuelle de l'Europe n'est pas celle des pays musulmans. Le Coran n'a pas été revisité comme la Bible. Revisiter signifie en français prendre les mesures nécessaires modifiant, si besoin est, non point l'essence même d'une religion, mais sa pratique quotidienne par des hommes et des femmes ayant pris racine dans un monde, un univers mental, conceptuel ou religieux totalement différent. L'histoire culturelle de notre Europe n'est parvenue à ce qu'elle est aujourd'hui qu'au terme d'une longue maturation, jalonnée de guerres de religions, de persécutions, d'expulsions et de réconciliations laborieuses. Les savants européens ont appris à reconnaître la validité de la critique historique.
La tradition gréco-arabe médiévale, cette falsafa, n'a pas vraiment prospéré et un philosophe de la classe d'Averroès n'a eu de disciples que chez les juifs et les chrétiens… Sans se poser vraiment de questions, un peu comme le préconisait un de ses devanciers du IXe siècle, un certain Ibn Hanbal dont le mot d'ordre était bala keif, ne posez pas de questions, ne demandez pas: mais comment donc… Une telle restriction n'entame en rien l'importance d'al-Ghazali dans l'histoire de la spiritualité musulmane.
Lorsqu'on relit attentivement le manifeste des trois cents qui respire la philosophie occidentale dans toute sa splendeur, on constate qu'il est parfaitement fondé dans ses demandes mais absolument irréaliste dans l'univers mental auquel il s'adresse. Comment voulez vous demander à des gens qui considèrent que leur texte religieux est unique, incomparable, voire incréé, d'abroger certains versets dont le contenu heurte notre conscience moderne? La démarche est fondée puisqu'on peut tout interpréter, même dans un sens contraire au sens obvie, littéral…
Des auteurs médiévaux l'avaient déjà dit, parlant des portes grandes ouvertes de l'exégèse allégorique (Bibane al-tawil).
Il y aurait tant à dire pour assainir la situation. Mais comme me l'a confié un ami, prêtre maronite libanais, qui connaît bien la question, trois réformes seraient nécessaires (je me sers du conditionnel pour bien montrer que ce n'est pas hostile) pour ajuster l'islam à son environnement européen pour lequel tout ce qui advient dans notre monde sublunaire est soumis inexorablement à la loi de l'évolution historique:
a) il faut admettre la critique textuelle des textes sacrés
b) Il faut accepter une stricte égalité entre l'homme et la femme
c) Il faut rejeter tout exclusivisme religieux: aucune religion n'est meilleure qu'une autre…
Il faut espérer que le débat qui commence à prendre corps aboutisse à des progrès sensibles dans le vivre ensemble dont tout le monde parle mais qui tarde à advenir. C'est l'espérance messianique de notre temps…
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