Sorties cinéma«L’innocent», «Le sixième enfant»: quels films aller voir cette semaine?
Le polar amoureux de Louis Garrel embarque dans son délire foutraque. Et «Le sixième enfant» n’est pas mal non plus. Le cinéma français retrouve du peps? Si, si.
«L’innocent», un bonheur de comédie noire

Dans ce film noir qui se la joue rose bonbon, les apparences trompent avec constance. Sylvie, visiteuse de prison comme la mère du réalisateur Louis Garrel, effraie son fils avec ses décisions impulsives. Comme cette fantaisie d’épouser soudain Michel, un loubard qui, dès sa sortie, entreprend de monter un casse foireux.
Ce braquage en famille réussira surtout à voler le cœur des spectateurs, tant ici la nouvelle bande à Garrel dégomme les a priori. Anouk Grinberg, parfaite en amoureuse allumée, Roschdy Zem à la hauteur en petite frappe à l’ancienne, leurs comparses aussi, jusqu’à la bonne amie indécise entre audace et pudeur, tous déjouent sans cesse les clichés pour embarquer dans leur délire.
«Pourquoi ne pas faire les choses bourgeoisement?»
Dans cette atmosphère à la fois provinciale et surréaliste, les dialogues voltigent – «Pourquoi ne pas faire les choses bourgeoisement?» se lamente le fiston face à sa mère impériale. Les décors accentuent encore ce sentiment de conte de fées un peu tordu, entre boutique de fleuriste, parking sous les néons ou zinc de quartier.
Un temps pris dans l’engrenage du cinéma auteuriste, Louis Garrel, descendant de Philippe, héros de la Nouvelle Vague, trouve ici un style singulier qui puise plutôt chez Chabrol ou Lautner, en cinéaste roublard et costaud, pour mieux susciter d’irrépressibles émotions. Lui-même se révèle de surcroît un comédien de première bourre, à la fois potache et surdoué. Voir la séquence où, tel un Cyrano caché dans son arbre, l’innocent les mains pleines se dévoile presque à sa belle dans un grand moment de cinéma aussi embarrassant que jubilatoire. Sous la déglingue des situations, l’écriture ici sent le caviar, et pas de contrebande.
Note: ***
«Le sixième enfant», une rigueur diabolique

Ce sont deux couples qui ne se connaissaient pas avant et qui ne viennent pas du même monde. Les premiers sont des gens du voyage, ils ont plusieurs enfants, et lui a été impliqué dans un larcin qui aurait pu le conduire en prison. Les seconds, sans enfants, viennent d’un milieu aisé et lui est un avocat commis d’office pour défendre un homme impliqué dans un larcin. Leur drame, c’est qu’ils ne peuvent pas avoir d’enfants.
Aussi, lorsque le premier couple raconte attendre un sixième enfant tout en déplorant ne plus pouvoir s’en sortir, le second couple va leur proposer un marché aussi illégal que risqué. Et rien, au final, ne se déroulera comme prévu.
La force du film, en plus d’un beau quatuor de comédiens (Damien Bonnard, Sarah Giraudeau, Benjamin Lavernhe, Judith Chemla), repose sur un scénario solide et implacable, d’ailleurs tiré d’un roman. On assiste donc ici au retour de cette noirceur qui donna jadis ses lettres de noblesse au cinéma français.
Léopold Legrand, dont c’est le premier long, filme l’ensemble avec une rigueur assez diabolique, sans tenter de voler la vedette à ses comédiens, ce dont on lui sait gré. Il leur fait confiance, signant un drame très éloigné des chroniques sociales dont le cinéma nous abreuve depuis quelques années. Très réussi.
Note: ***
«The art of love», vibrant d’amour et de solitude

Tragicomédie dans l’industrie du porno, «The Art of Love» oscille entre burlesque et bricolage. Le réalisateur suisse Philippe Weibel y associe deux solitudes, la «popotte» Eva, quinqua en crise conjugale, et Adam aux allures de beau gosse volage.
Les deux bossent dans une fabrique de sex-toys londonienne et, en cobayes consentants, acceptent de tester un nouveau projet. Leurs cartes du tendre ne se ressemblent guère, mais à force de se risquer hors de leur zone de confort émotionnel, ces âmes esseulées finissent par partager des confidences.
Sans verser dans l’humour scabreux, cette comédie romantique peu ordinaire souffre d’imprécisions narratives, mais ne manque pas d’un joli culot.
Note: *
«La conspiration du Caire», un film au cordeau

De Tarik Saleh, nous avions déjà vu plusieurs films avant de découvrir celui-ci, en compétition au Festival de Cannes. Il s’agit d’un incroyable imbroglio judiciaire et politique dans le monde fermé de l’islam sunnite.
Fils d’un modeste pêcheur, Adam est admis à une prestigieuse université du Caire. C’est là que le grand imam de la mosquée, qui se trouve être le siège de cet établissement, meurt pratiquement devant les étudiants. La guerre pour lui trouver un successeur prend alors la dimension d’un thriller.
Réalisé au cordeau, démonstratif dans le bon sens du terme, fort bien joué, «La conspiration du Caire» confirme tout le bien qu’on pensait de son auteur, même s‘il a un côté bon élève appliqué qui finit par devenir envahissant. Le comédien Fares Fares, qu’on a l’habitude de voir dans toutes sortes de films, trouve ici un emploi royal et le métrage lui doit beaucoup.
Note: ***
Thriller (Suède – 120’)
Cote: 3 étoiles (Excellent)
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