C’est un jeu de dupes qui ne trompe personne. La route des Balkans est fermée officiellement depuis 2016, pourtant, elle reste aujourd’hui le chemin le plus prisé par les migrants qui rêvent de l’Eldorado européen. Alors les gardes-chiourmes de notre forteresse tapent toujours plus fort pour refouler ces indésirables, qui, entassés dans des camps en Bosnie ou en Serbie, butent devant les frontières hongroises ou croates. À leurs tentatives désespérées de passer, ils opposent des caméras thermiques et des barbelés. Des chiens et des policiers. Des coups et des humiliations.
Trente ans après la chute d’un autre mur, l’Europe se barricade, frappe, freine, sous-traite le problème des migrants avec la Turquie ou la Libye. Ou se contente de les regarder mourir dans sa mer, renvoyant de ports en ports les bateaux des ONG.
Parce que le migrant, c’est l’autre, nous répètent en boucle les populistes. Celui qui volera notre place, notre travail, notre culture. Les pays comme la Croatie qui nous protègent avec zèle de cette «menace civilisationnelle», selon les propres mots du premier ministre hongrois Viktor Orban, sont récompensés en entrant encore un peu plus dans le cercle des happy few européens.
Pris dans notre logique de résistance, nous refusons de nous rendre à l’évidence: une frontière hermétique est un mythe. Tout au plus, nos efforts encourageront-ils le commerce des passeurs, qui deviendront indispensables pour traverser les mailles du filet qui se resserrent. Tant que, dans ce dossier brûlant de la politique migratoire, les pays européens ne parleront pas d’une seule voix, ceux qui passeront ne feront qu’accroître les chiffres des clandestins. Les coups de matraque à nos frontières n’y changeront rien.
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Éditorial sur la politique migratoire de l’UE – L’hypocrisie de la forteresse européenne
Récompensée pour sa gestion musclée des migrants, la Croatie entre dans l’Espace Schengen. Et l’Europe n’est pas près de changer de stratégie.