Retour à la rue à GenèveLes visages des sans-abri portent à nouveau les signes de l’épuisement
Ces «hommes seuls» dorment depuis trois jours dans les plis de la ville pour essayer de se protéger du froid. Maraude matinale.

On les a vus quitter un à un leur hébergement vendredi dernier sous la neige, remercier avant de partir, la main sur le cœur, l’équipe des travailleurs sociaux et les réceptionnistes de l’hôtel. Ils avaient la mine reposée au moment de remonter le chemin des Olliquettes (sic), au Petit-Lancy, une adresse improbable qui était devenue la leur.
Des hommes seuls, «sans statut» pour la plupart, condamnés à l’errance après avoir fui des conflits de toutes sortes. Une population «pas très vendeuse», de l’avis même des professionnels chargés de les accueillir, qui a depuis rejoint la cohorte éclatée des gens à la rue.

Chacun pour soi dans l’exercice de survie dont ils connaissent tous les recoins. Il n’y a pas eu de regroupement, de campement nouvellement créé ce week-end sur le territoire genevois, après la fermeture d’un bon tiers des chambres d’hôtel mises à disposition pour les plus démunis.
Le temps que d’autres lieux ouvrent à nouveau, les voici donc de retour dans la rue. Des hommes seuls qui ont retrouvé les plans qu’ils connaissent: des allées d’immeubles, des caves, ces plis dans la ville, abrités du vent, protégés des regards, où ils avaient parfois pris la peine de cacher les cartons qui leur servent de sommier.

Fuir les courants d’air
Le secteur de la gare a aussi retrouvé ces figures solitaires que les agents de sécurité ne laissent jamais dormir plus d’une heure au même endroit. Sans ticket de transport, la salle d’attente, toujours aussi ridicule dans sa grandeur dérisoire et son mobilier, est un guichet pour refoulés.
Les rondes des porteurs de chasuble s’y arrêtent régulièrement et font le ménage. «Ils nous repoussent à l’extérieur ou dans le grand hall, qui est rempli de courants d’air», lâche Antoine, soudeur de 38 ans, en recherche d’emploi.
«Les agents à la gare nous pourchassent toute la nuit et ne font preuve d’aucune humanité.»
«Mon CV, je l’ai envoyé, j’attends des réponses. Jusqu’à vendredi dernier, je pouvais me présenter aux entretiens d’embauche en étant propre sur moi et le visage pas fatigué. La galère a repris, on replonge très vite…» Antoine est en colère, il en veut à ces agents «déguisés en frites», qui lui ont pourri sa nuit à la gare et «ne font preuve d’aucune humanité».
Quand tout ferme, Cornavin redevient cet abri géant inconditionnellement hostile à la présence humaine qui n’a ni toit, ni billet, ni rien pour se légitimer. Colère partagée.

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