Notre sélection Les vins du mois de Genève à table
Vins naturels et vins locaux, bières et vins classiques se partagent la vedette de nos chroniqueurs en ce mois de juin. Autant de beaux flacons que l’on peut acheter à Genève.

Une ode vibrante au cépage côt

Dans le sud, on l’appelle le malbec, l’auxerrois ou le noir de Pressac. Cahors est sa terre d’élection, mais il accomplit des merveilles sur les bords de la Loire, notamment en Touraine, où il porte le petit nom caquetant de côt. Ce cépage sombre et profond chante pour Les Têtes Noires 2008 une ode vibrante, orchestrée par Grégory Leclerc en son Domaine Chahut et Prodiges, aux portes d’Amboise.
Myrtilles, cassis et mûres semblent s’être donné la main pour danser la ronde de ce jus traversé par un grand vent d’épices et dont les amples tannins racontent les vieilles fables de la terre. Frisant la joue, une belle acidité fait comme un tapis à ces saveurs denses, patinées par quatorze ans de garde: bu jeune, le côt peut paraître fougueux, et un peu d’âge polit ses ardeurs en attisant ses amers.
Si vous vous rendez à la Cave 20G, à Carouge, vous pourrez dénicher le millésime 2008 de ce précieux élixir. Doté d’une solide science du glou, Gilles Bogaerts, le patron, ne redoute pas de faire patienter les flacons en cave pour les sortir lorsque parle leur bonne étoile. Voilà un bon coup sur le goulot de ceux qui prétendent que le vin naturel ne se conserve pas.
Les Têtes Noires 2008, Domaine Chahut et Prodiges, Grégory Leclerc, 12°, sans soufre ajouté. Dégoté à la Cave 20G pour 26 fr.
Origines bourguignonnes, éducation corse

C’est un vin à l’ADN bourguignon, mais élevé à la corse. Un rouge frais, léger (12 degrés), qui porte en lui l’élégance du pinot noir et la générosité méditerranéenne. On doit ce pinot aux arômes immédiats mais fugaces à Pierre Labet, exploitant d’un domaine familial à Beaune. Curieux de planter le cépage natif de Bourgogne sur la côte est de l'île de Beauté, le producteur rapatrie le raisin et le vinifie chez lui pour une consommation sans plus attendre. D’ailleurs, sa capsule à vis nous passe le message: «Inutile d’encombrer ta cave. Ouvre-le tout de suite.»
François Labet, Pinot Noir 2019, IGP Île-de-Beauté. 15 fr. 90 chez Lavinia, Genève.
Coquetteries de Savoie

Vin rouge léger, tout est dans le sous-titre. Avec ses 10 degrés riquiquis et sa dangereuse buvabilité, le Soleyane 2020 de Camille et Mathieu Apffel s’avère fabuleusement digeste. Dès la première lampée, une mondeuse très sang bleu fait des coquetteries poivrées sur la langue, avant que le pinot noir illumine la papille d’un rayon de soleil fruité. Cet assemblage malin évoque une ribambelle de cassis surgissant dans la verdeur du printemps, qui se seraient parfumés d’un pschitt acidulé pour aller guincher. On doit ce jus aérien et joyeux à Camille et Mathieu Apffel, établi sur cinq hectares à Saint-Baldoph, sur les premières hauteurs du massif de la Chartreuse, en Savoie. Originaire du Jura, Mathieu insuffle à ses cuvées un esprit plein d’une délicate fluidité et les cisèle avec une grande précision. Son Soleyane chante une ode aux terroirs alpins et, cerise sur le mélèze, s’avale tout schuss.
Soleyane rouge 2020, Camille et Mathieu Apffel, 10°, sans soufre ajouté. Déniché pour 24 fr. au Passeur de vin.
Avully rime avec microbrasserie et Miami

Une bière, pour changer, dans cette sélection de beaux flacons. Malgré son nom, la Miami Golden Ale de la microbrasserie Gotan vient de chez nous. Avully, dans la campagne genevoise, héberge un producteur atypique. Dans son garage, Charlie Ochagavia, Argentin d’origine – inversez les syllabes de Gotan et vous obtiendrez une institution de son pays –, a de quoi sortir quelques milliers de litres par mois. Pour créer chacune de ses bières, le brasseur puise l’inspiration dans une ville qui l’a fait vibrer. Cette Miami Golden Ale, alors? Blonde et riche. Modeste, également, car malgré une fermentation haute, l’amertume affiche un score de 20 sur 150 sur l’échelle IBU. Cette bière puise vivacité et fraîcheur dans les écorces d’oranges qui la parfument. En un mot: estivale.
Gotan, Miami Golden Ale, 330 ml, chez Manor ou directement chez le producteur www.bieregotan.ch, 3 fr. 95
Un jus venu de Corse

Voici le parangon du vin easy-going. Un jaja sans prise de tête qu’on s’envoie sur la terrasse en compagnie d’un vieux copain. Patrimonio Mon Amour envoie au pif quelques senteurs de fleurs poivrées, avant d’administrer à la papille un bon gorgeon de fruits rouges agrémenté de trois gouttes d’agrumes tapies sous une discrète brise végétale. De facture plutôt classique, ce jus venu de Corse ne cherche pas la complexité mais affiche une jolie fraîcheur et un équilibre réussi. On le doit à Julie et Mathieu Marfisi, qui ont repris en 2015 les 15 hectares du domaine de leurs parents sur l’appellation de Patrimonio. Certifiées bios, les vignes sont en mains familiales depuis 1870 et la nouvelle génération a imprimé un virage nature au travail en cave. Cette cuvée rend hommage à un cépage rouge fort ancien et emblématique de l’île de Beauté, le niellucciu, qui tire son origine du sangiovese toscan. Elle fait chanter le terroir dans le verre et s’accordera volontiers avec une petite sieste.
Patrimonio Mon Amour 2020, Clos Marfisi, 12°, AOP Patrimonio. À rafler chez Nino, 65 bd de Saint-Georges, pour 20 fr.
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