À Chêne-Bourg, un foyer particulierLes trouvailles poétiques de ceux qui ont perdu la mémoire
La fondatrice du Jardin d’Hedwig a recueilli paroles et dessins de ses hôtes atteints de la maladie d’Alzheimer et en a fait un livre.

Nos parents, nos proches, nous-mêmes pouvons endurer la perte de la mémoire. Quand cet état s’installe chez l’un d’entre nous, sa vie change, mais non ce qui fait d’elle ou de lui un être sensible, sociable et gai. Pour que cette part intacte et si précieuse de la personnalité se révèle, il faut une aide intelligente, car la révolte et la colère ne sont jamais loin. Cette sorte d’aide, les hôtes du Jardin d’Hedwig la reçoivent dans ce foyer de jour à Chêne-Bourg.
Sa fondatrice, Sabine de Clavière, sait d’expérience ce que cela signifie d’avoir un proche atteint dans ses fonctions cognitives. C’est en souvenir de sa mère qu’elle a nommé l’institution fondée il y a douze ans dans la maison où vivait Hedwig de Candolle: «Une maman devenue moins parfaite mais tellement plus poétique», dit sa fille, dès lors que la maladie d’Alzheimer a fait son apparition.
Douze ans passés à accueillir des hôtes de jour auxquels sont proposées des activités axées sur l’art-thérapie. Peinture, musique, conversation permettent aux visiteurs en perte de mémoire et de repères de passer une bonne journée active et intéressante. Peu à peu, Sabine a pris l’habitude de noter des phrases entendues au Jardin d’Hedwig. Des mots favorisés par l’écoute, la bienveillance et l’ouverture à la surprise. Émue par la poésie qu’expriment ces paroles extraordinaires, l’idée d’en conserver la trace s’est imposée à elle. Mais comment s’y prendre?
«Mettez-moi sur un cintre, je prendrai moins de place»
Sabine s’est adressée au poète français Christian Bobin qui l’a encouragée à les publier. Ainsi a pris vie le projet du livre «Les mots de l’âme», auquel se sont ralliés les Éditions Slatkine et l’artiste Marie van Berchem pour le graphisme. Le volume où domine la couleur verte s’ouvre sur cette question: «Vous cherchez quelque chose? Oui, moi.» Le ton est donné.
«Ce livre témoigne des petits moments de grâce que nous vivons chaque jour au Jardin d’Hedwig, témoigne Sabine de Clavière. Les phrases que j’ai entendues y sont transcrites telles quelles. Elles sont la preuve que lorsque certaines capacités et repères se perdent, de nouvelles ressources peuvent apparaître. Les illustrations réalisées lors de nos ateliers d’art-thérapie sont là pour montrer le potentiel créatif des hôtes.»
Il ne reste plus qu’à se laisser charmer, étonner, émouvoir, par des mots comme «Les anges sont les fleurs de l’âme», «Regarde les arbres, ils se tiennent par la main», «Je range votre manteau dans la penderie? Mettez-moi sur un cintre, je prendrai moins de place», «Vous êtes bien coiffée. Oui, je suis la Barbie de ma fille», et bien d’autres perles que Sabine de Clavière n’a pas voulu laisser disparaître dans le néant.
«Les mots de l’âme», publié par Sabine de Clavière, Éditions Slatkine, 96 pages.
Le jardin d’Hedwig, 56, avenue du Vieux-Bourg, 1225 Chêne-Bourg, lejardindhedwig.ch
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