Les Roms sont-ils un problème pour Genève?
Certains accusent les mendiants d'être un fléau, d'autres tentent de protéger les droits de cette population indigente. Les Roms, criminels à sanctionner ou miséreux à défendre? Thibaut Lorin, porte-parole de Mesemrom, et le député UDC Patrick Lussi en ont débattu au Café des Savoises.

Qui sont les Roms?
Thibaut Lorin (TL): Ce sont des personnes très précarisées qui migrent depuis la Roumanie, où ils vivent dans des conditions dramatiques et n'ont accès ni au travail ni à l'aide sociale. Ils n'ont pas d'autre choix que de demander la solidarité chez nous et dans d'autres villes d'Europe. Nous accompagnons ces Roms au quotidien et voyons comment les dons des Genevois améliorent leur qualité de vie dans leur pays.
Patrick Lussi (PL): Personnellement, je refuse d'attribuer le qualificatif de mendiants misérables aux populations issues de l'ethnie Rom qui arrivent à Genève. Nous avons affaire à des bandes organisées et criminelles. Je connais de vrais mendiants qui me tirent les larmes; mais là, c'est autre chose.
L'UDC vient de déposer une motion à leur propos. Que demandez-vous?
PL: Nous exigeons du gouvernement trois choses. Qu'il présente un rapport en matière de lutte contre la mendicité qui fasse état du nombre d'interpellations et des sommes saisies, qu'il fasse preuve de tolérance zéro en appliquant la loi antimendicité et qu'il présente sa stratégie pour juguler l'afflux massif de mendiants.
Cette loi permet d'amender, voire d'emprisonner les mendiants. Efficace?
TL: Manifestement non: le nombre de Roms est resté inchangé depuis cinq ans, passant de 80 en basse saison à 150 à 200 en été. On ne peut pas répondre à la précarité par une loi qui criminalise la misère. Sans compter qu'elle est très coûteuse. En un an et demi, l'Etat a déjà déboursé 3,5 millions de francs, auxquels s'ajoutent les frais de justice et police pour les 13?000 amendes qui ont été infligées. Un montant astronomique pour récupérer quelques oboles!
PL: Depuis quand pose-t-on des critères d'efficience dans l'application d'une loi? On doit peut-être réfléchir à d'autres mesures. Mais je n'accepte pas l'argument qui dit qu'il ne faut rien faire car c'est trop cher.
Une pétition est en cours pour faire abroger cette loi. Qu'espérez-vous?
TL: La récolte de signatures, soutenue par une quinzaine d'associations et divers partis de gauche, nous a permis de faire un bilan juridique et social. En questionnant la rue, on s'est rendu compte combien la loi antimendicité était impopulaire. Notre objectif est atteint: on a enfin fait réfléchir les médias, les politiques et la population à la question des Roms en leur présentant une autre réalité que celle qu'avance M. Lussi.
PL: Parlons de droits! Ceux qui habitent et travaillent à Genève en ont aussi. Mesemrom va finir par devenir nuisible à force d'accorder aux Roms un droit de prédation sur nos porte-monnaie et un droit d'agression sur nos personnes âgées...
Comprenez-vous l'agacement des Genevois face aux mendiants?
TL: Evidemment. C'est alarmant de voir des gens en grande difficulté dans nos rues. Mais la présence des Roms est une chance. En prenant en compte leur avis, on peut penser de vrais outils pour notre système éducatif et pour nos politiques sociales.
Combien récolte un mendiant en tendant la main quotidiennement chez nous?
TL: Ça varie énormément. Mais on estime cette somme à 10?francs en moyenne.
On dénonce souvent la relation des Roms avec des réseaux mafieux. Qu'en est-il ?
TL: Un rapport de la police genevoise datant de 2008 précise bien qu'il n'existe pas d'organisation mafieuse chez les Roms. Bruxelles, qui connaît la même situation que Genève, a expliqué que la mendicité dans une ville comme la nôtre ne permet pas à un tel réseau d'être entretenu. ?
Vaut-il mieux les aider en Roumanie qu'ici ?
PL: Oui, c'est la bonne solution. Les Roms sont discriminés par leur propre gouvernement qui ne les considère pas comme des citoyens à part entière. A nouveau, je ne les confonds pas avec les quelques dizaines de délinquants qui sévissent dans nos contrées. La Suisse, dans le cadre des accords bilatéraux, entre 2009 et 2014, va consacrer 14 millions exclusivement à l'intégration de ces populations dans leur pays.
A certaines périodes, on a vu des enfants mendiants. Est-ce toujours le cas ?
PL: Il y a deux ans, le Canton avait même dû prendre des mesures face à ces mendiantes escortées de bambins et avec des nourrissons dans les bras. Il avait été décidé de les scolariser et d'un coup, il n'y en avait plus un seul! Mais l'UDC ne s'opposera jamais à des mesures prises pour le bien des enfants.
TL: C'est vrai qu'à l'hiver 2009, on a vu les Roms arriver avec leurs enfants, qui d'habitude restent en Roumanie dans la solidarité familiale. Mesemrom a été aussi surprise que le reste des Genevois. L'hiver était très rigoureux et leurs maisons en chaux n'avaient pas résisté. Toutefois, il n'y a plus de problèmes à ce niveau-là. Aujourd'hui, les plus jeunes Roms ont 17?ans. C'est une quinzaine de grands ados qui tentent d'améliorer le quotidien de leurs familles au pays et j'appelle ça du courage.
Quel avenir pour les Roms à Genève?
PL: Il faut être plus efficace. Prenons l'exemple de la prostitution. Plusieurs pays d'Europe punissent la sollicitation plutôt que le racolage, c'est le client qui est amendé, et non plus la prostituée. Nous pensons à déposer un projet de loi allant dans ce sens: la contravention serait infligée à celui qui donne. En Autriche ou en Pologne, il n'y a pas de mendiants, car la population est informée et ne donne pas.
TL: Amender la générosité me paraît absurde! A Genève, les Roms bénéficient du gîte et du couvert mais pas de la LASI (loi sur l'Aide sociale individuelle). On ne supporte pas la vue de la misère et on promulgue des lois antipauvres. Le déni de droit pour les Roms vaudra bientôt aussi pour ceux d'entre nous qui vivent dans la précarité.
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