Le 18 juin dernier, Lisa Mazzone au Conseil des États et moi-même au Conseil national déposions deux initiatives parlementaires pour réclamer la réhabilitation des Suisses qui ont combattu dans la Résistance française.
Le 29 octobre, la Commission des affaires juridiques du Conseil national a accepté de donner suite à ma proposition par 16 voix contre 5 et 1 abstention.
Trois-quarts de siècle après la Seconde Guerre mondiale, c’est un pas vers la reconnaissance de la légitimité de l’engagement des quelque 466 résistants suisses; des hommes et des femmes qui ont contribué à libérer l’Europe du fascisme. À leur retour, ils ont été accusés d’avoir nui à la neutralité suisse et «affaibli la capacité de défense» du pays, à teneur de l’article 94 du Code pénal militaire.
Parmi eux, deux cents se sont vus astreints à des peines de prison ferme ou avec sursis, exclus de l’armée ou privés de leurs droits civiques, alors que d’autres restaient en France pour échapper à ces sanctions. Les moins chanceux étaient tombés au combat, tandis que la Suisse les condamnait par contumace en attendant leur retour.
Ils seront longtemps oubliés, leur contribution ne trouvant pas place dans le récit national qui érigeait le général Guisan et son réduit alpin en bastions de la démocratie.
Il faudra attendre 1995, le cinquantenaire de la Libération, et la relecture critique du rôle de la Suisse pendant la Seconde Guerre mondiale, pour évoquer publiquement ces «spectres» suisses du combat antifasciste. En 1995 et en 1996, les conseillers nationaux Nils de Dardel et Christian Grobet déposeront questions et interpellations pour leur réhabilitation avec celle des brigadistes de la Guerre civile espagnole.
En 2006, Paul Rechsteiner proposera encore une initiative parlementaire dans ce sens.
Trois ans plus tard, le parlement a pris la décision de réhabiliter les combattantes et combattants suisses qui ont combattu le soulèvement militaire du général Franco dans la guerre civile espagnole. L’initiative de Paul Rechsteiner prévoyait d’y associer les personnes engagées dans la Résistance française, pourtant, invoquant l’insuffisance de la recherche historique, le parlement se récusera sur ce point.
Aujourd’hui, ces lacunes ont été comblées par la recherche de Peter Huber, soutenue par le FNS (Fonds national suisse) et dirigée par Irène Herrmann, professeure à l’Université de Genève.
Bien sûr, les volontaires suisses ne formaient pas un bloc homogène. Il s’agissait avant tout d’hommes jeunes au parcours professionnel accidenté et aux conditions de vie difficiles. Leurs raisons de s’engager allaient de l’antifascisme à la mystique des maquis, de la révolte contre l’injustice sociale à un certain patriotisme. Ces hommes et femmes issus de réalités sociales différentes étaient tous mus par la volonté de lutter pour un monde meilleur.
La nécessité de remémorer leur engagement est essentielle dans une période où les sirènes de l’extrême droite, de l’autoritarisme et du racisme se font à nouveau entendre dans plusieurs pays voisins, mais aussi en Suisse.
Le chemin a été long et il reste semé d’embûches jusqu’à un vote définitif des Chambres, mais l’espoir est enfin permis. Il donnerait une seconde vie à leur combat légitime.
«Résister c’est créer, créer c’est résister», lançaient il y a quinze ans, à l’adresse de la jeunesse, un groupe d’anciens de la Résistance française. Des Suisses en étaient. Rendons-leur hommage!
Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.
L’invitée – Les résistants suisses sont enfin pris au sérieux