Gros salaires, offres douteusesLes pratiques étonnantes d’une société suisse liée aux EMS français
L’entreprise Kauforg s’est occupée de l’achat de nourriture pour les EMS du groupe Orpea. Ses importantes transactions financières ont interpellé francetélévision, qui a mené l’enquête.

La Cellule investigation de Radio France publie jeudi une enquête sur l’entreprise suisse Kauforg, une filiale du groupe Orpea, qui gère des Établissements médico-sociaux (EMS) en France. Plusieurs pratiques de la société basée à Étoy ont interpellé le service public français: salaire et bonus mirobolants du côté des dirigeants, facturation de prestations douteuses du côté des fournisseurs avec d’importantes commissions.
Salaires mirobolants et bonus illimité
Tout est une question de proportion. Dans les EMS, le budget nourriture pour un résident est de 4.20 euros par jour pour quatre repas (matin, midi, goûter, soir). À l’inverse, les importantes transactions financières au sein de Kauforg étonnent, révèle le média français grâce à des documents internes inédits.
Pour commencer, les salaires des dirigeants de Kauforg sont dévoilés: 150’000 francs bruts par année, ajouté à ça, un bonus de 150’000 fr., qui peut être illimité en cas de résultats exceptionnels, le tout pour un temps partiel (30%). Et il est déjà arrivé que l’un de ces salaires atteigne 400’000 euros brut.
Est-ce que Orpea était au courant de ces sommes? L’entreprise ne répond pas à cette question, mais les contrats suisses des directeurs ont été signés par l’ancien directeur des financements et de la comptabilité du groupe.
Prestations douteuses et commission élevée
D’autres documents sont mis en lumière. Ils concernent cette fois des prestations de services proposées par Kauforg aux fournisseurs. Des enquêtes de satisfaction sur les produits auprès des établissements de soins sont par exemple facturées à un certain prix: 300’000 euros. Cela a été le cas avec la société française Pomona, l’un des leaders des grossistes alimentaires. Et l’entreprise suisse va également lui demander une ristourne «inconditionnelle, forfaitaire, définitive et annuelle de 250’000 euros sur trois ans».
D’autres frais sont encore ajoutés, et des distributeurs de dispositifs médicaux sont aussi concernés par ces offres douteuses, comme Bastide Le Confort Médical (BLCM), avec un contrat à 500’000 euros pour la vente de différentes données.
Selon un spécialiste de la grande distribution, interrogé par Radio France, ces types de services sont souvent proposés dans le domaine. «Sauf qu’ici, il ne s’agit pas de grande distribution mais bien de maisons de retraite. Et les résidents ne sont pas des clients» nous signale-t-on dans l’enquête journalistique. Des doutes peuvent même être émis sur une augmentation des tarifs de la part des fournisseurs auprès des EMS, afin de compenser tous ces coûts.
Rapport de l’administration
En mars 2022, un rapport français de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de celle des Finances (IGF) pointait des dysfonctionnements, après une enquête de six semaines. Ce dernier ne concerne pas la Suisse, mais directement Orpea.
«Une priorité accordée à la performance financière plutôt qu’à des critères de qualité» est notamment dénoncée, tout comme «une nourriture jugée «insuffisante», détaille Radio France. Et certains des services comme ceux que proposent Kauforg sont remis en question par l’administration française, qui s’interroge sur leur réalité.
De son côté Orpa a réagi: Il est de notre devoir de faire toute la lumière sur les accusations portées contre le groupe», explique Philippe Charrier, le PDG du groupe Orpea dans l’article de franceinfo. Des enquêtes et des audits ont lieu à ce sujet. «Cela nous a conduits à déposer dès avril une première plainte contre X auprès du procureur de la République et à prendre des premières mesures disciplinaires» précise-t-il.
Sonia Imseng est journaliste au sein de la rédaction Tamedia. Elle couvre l’actualité qui se déroule en Suisse et dans le monde. Après un bachelor en Science politique, elle a obtenu son master en journalisme à l’Université de Neuchâtel. Elle a également travaillé pour la RTS, Le Temps, Le Courrier.
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