Mes bons plans: théâtreLes pièces à applaudir d’ici les patates
L’automne s’installe, et les salles déroulent leur programme. En octobre, on entendra chanter Éros et Thanatos, crépiter les claviers d’ados et souffler les danseurs de rock acrobatique.

Évanoui le tam-tam de La Bâtie et des ouvertures de saison dont elle sonne le tocsin, que réserve au féru de théâtre le rythme de croisière atteint avec octobre? Avant le court débrayage calé sur les vacances de la Toussaint, quels sont les plateaux genevois qui affoleront encore nos boussoles? Petit tour d’horizon, forcément intuitif – car les arts de la scène, et c’est tout leur charme, ne se goûtent que dans la magie de l’ici et maintenant.
Prenez par exemple la prise de parole. Chez Valère Novarina («L’atelier volant», «Le vivier des noms», «L’animal imaginaire»…), elle a valeur de création divine. Héritier d’Adam, l’auteur né à Chêne-Bougeries prête la vie à tout ce qu’il baptise. Un simple son articulé fait palpiter la chose qu’il désigne. Une syllabe, elle, équivaut à un fruit mûr gorgé de suc. Mais simultanément, pour le Haut-Savoyard, le mot renie son diseur, le bannit sans retour, le condamne. On ne s’étonnera donc pas que Jean Bellorini, directeur depuis 2020 du Théâtre national populaire de Villeurbanne, ait confié à Novarina la réécriture du mythe d’Orphée et Eurydice, ce drame d’un amour que la mort exécute deux fois.
Orphée et Eurydice
Dans «Le jeu des ombres» qui striera le Théâtre de Carouge du 6 au 16 courants, le metteur en scène tresse la langue du dramaturge contemporain à des airs recyclés de l’«Orfeo» composé par Monteverdi à l’aube du XVIIe. La descente aux enfers du poète à la suite de l’empoisonnement de son amoureuse, le salut de cette dernière aussitôt annulé par le doute, la seconde séparation, à jamais cette fois, tiennent dans cette formule lapidaire et insondable: «Eurydice est le chant d’Orphée».
Charlotte et Kiyan
Mais qu’on ne craigne rien, on pourra opter aussi bien pour le rock que pour le baroque. Au Théâtre du Grütli, du 10 au 22, la remarquable comédienne qu’est Charlotte Dumartheray retrouve son camarade danseur Kiyan Khoshoie à l’occasion d’un entraînement pour le moins physique. Leur «Grand écart» avait épaté? «Kick Ball Change», leur nouvelle création, ne promet rien moins en ressuscitant leur première rencontre, ados, dans le cadre d’un cours de rock’n’roll acrobatique. Justaucorps rose, baskets blanches, le couple règle inlassablement son pas, coaché par un professionnel. Entre art et sport, les partenaires relâchent ici ou là la tension pour s’interroger sur le prix de la passion, l’aboutissement du travail et la valeur de l’effort.
Zed et Lila
Plus rares sont de nos jours les adolescents qui s’adonnent aux danses de salon. On les croiserait plus facilement dans le cyberespace, à s’invectiver ou se chauffer sur les réseaux sociaux. Une pièce toute neuve en observe quatre spécimens «genderfucked», du 3 au 23 au Poche, due au jeune dramaturge français Marcos Caramés-Blanco. Son «Trigger Warning» – dont Isis Fahmy signera la mise en scène – scrute surtout la langue qui se pratique sur les écrans. Chez Zed, Bae, Lila et Chloé qui échangent au milieu de la nuit, on l’entendra sans fard, mais sans dédain non plus. Son passeur la fera résonner comme le révélateur d’une époque en mutation constante, mais également d’un âge aux accents atemporels, en se tenant quelque part à l’intersection, où la poésie a une chance de frétiller.

Ensuite, pendant les patates, seule clignotera l’enseigne nomade du Théâtre Forum Meyrin (www.forum-meyrin.ch). À la performance scénique ce que Jean Tinguely était à la sculpture, Magali Rousseau drainera les amateurs de mécanique dès 6 ans à l’Aula des Vergers. C’est là qu’elle livrera du 20 au 27 «Je brasse de l’air», aveu d’impuissance tout relatif et arche de Noé abritant un bestiaire fabuleusement grinçant – fait de manivelles, de poulies, de moteurs et d’engrenages.
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