Les patrons ne transmettront pas les certificats de salaire au fisc
La Chambre constitutionnelle juge illégale la loi qui devait entrer en vigueur le 1er janvier. Dix autres cantons font pourtant ainsi.

Les rappels à destination des employeurs étaient déjà publiés sur le site de l'Etat de Genève. Dès le 1er janvier 2018, ils allaient devoir transmettre eux-mêmes les certificats de salaire de leurs employés à l'administration fiscale (à commencer par les salaires versés en 2017). Mais voilà que la Chambre constitutionnelle annule tout.
Dans un arrêt du 30 octobre, suite à un recours formulé par deux députés – l'un en tant qu'employeur, l'autre en tant qu'employé – la loi votée par le Grand Conseil en 2016 est annulée. Motif: elle est contraire au droit fédéral, et plus précisément à l'article 42 de la Loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LIHD). En substance, le texte exige du contribuable qu'il fournisse lui-même son certificat de salaire au fisc. L'article suivant place l'employeur face à cette obligation seulement lorsque le salarié ne s'est pas exécuté après sommation. Pour la Chambre constitutionnelle, la loi genevoise contrevient à ces principes.
16 millions escomptés
Le Conseil d'Etat se trouvait face à la presse quelques heures après avoir reçu la décision de justice. Un peu sonné par l'annulation de la loi, Serge Dal Busco, ministre des Finances, y voit une décision «emblématique de la difficulté que l'on rencontre ici pour mener des réformes».
Si l'Exécutif pensait avoir ouvert la voie à une simplification en matière de déclaration de revenu, c'est que 10 cantons suisses pratiquent la transmission du certificat de salaire par l'employeur. Cette méthode devait permettre de «corriger certaines erreurs commises par les travailleurs lors du remplissage de la déclaration d'impôt ou de pallier des éventuels oublis». Plus concrètement, il s'agissait de lutter contre la soustraction d'impôt, notamment lorsque le contribuable a plusieurs sources de revenus (et qu'il ne déclare pas l'ensemble d'entre elles).
Au moment des débats au Grand Conseil, l'administration fiscale avait soutenu son projet en tablant sur une augmentation des recettes fiscales de l'ordre de 16 millions de francs par année. Désormais, Serge Dal Busco évoque ce montant en tant que «manque à gagner».
Ceux qui ont formulé le recours contre la loi étaient sur les bancs du Grand Conseil quand celle-ci a été votée. Leur argumentation rejoint celle déroulée par la Chambre constitutionnelle. «Il était évident que le Conseil d'Etat outrepassait le droit supérieur», affirme Yvan Zweifel, député PLR et employé d'une fiduciaire. A ses côtés, l'avocat Cyril Aellen, lui aussi PLR, a porté son opposition au texte de loi au nom de l'entreprise dont il est l'un des associés.
Enfin, les considérations sont d'ordre plus politique. Durant la préparation du texte de loi, les milieux patronaux ont manifesté leur scepticisme. Ce n'est bien évidemment pas sur ce point que s'est penchée la justice pour rendre son jugement, mais aujourd'hui Yvan Zweifel salue «cette décision qui aura pour conséquence de ne pas surcharger administrativement les entreprises».
Reste une question essentielle: comment expliquer que les cantons romands, mais aussi Berne, Bâle-Ville, Lucerne et Soleure aient pu mettre en place la mesure sans opposition de la justice? La Chambre constitutionnelle genevoise y répond de manière très claire. «Le fait qu'une dizaine de cantons connaissaient une réglementation similaire ne saurait présager de leur conformité au droit supérieur.» Cela signifie aussi que seize autres cantons ont décidé de ne pas obliger les employeurs à livrer les certificats de salaire de leurs employés.
Une nouvelle Genferei?
Mardi, le Conseil d'Etat n'était pas encore en mesure de dire s'il allait saisir le Tribunal fédéral. Dans tous les cas, les dix cantons «pionniers» en matière de transmission de la fiche salaire par le patron pourraient suivre l'affaire de très près. Et revoir leur pratique?
En attendant, les conseillers d'Etat genevois se sont empressés d'exclure cette décision de justice des Genfereien, «puisque dix autres cantons font ainsi». Pour le président François Longchamp, l'affaire mérite bien un «chapitre dans Ubu», mais c'est en raison de «la confusion qui règne au parlement». Pour preuve, «ce sont des députés qui attaquent en justice une loi que le Grand Conseil a votée».
Cet article a été automatiquement importé de notre ancien système de gestion de contenu vers notre nouveau site web. Il est possible qu'il comporte quelques erreurs de mise en page. Veuillez nous signaler toute erreur à community-feedback@tamedia.ch. Nous vous remercions de votre compréhension et votre collaboration.