Les patients connectés tirent le meilleur de la Toile
Rencontre avec une pionnière des ePatients, qui exploitent Internet et les réseaux sociaux pour s'informer sur leur maladie.

«Les patients se font trop souvent rabrouer par leur médecin quand ils évoquent une information lue sur Internet», regrette Christine Bienvenu. Près de 65% des Suisses cherchent des renseignements touchant à leur santé sur la Toile, selon l'Office fédéral de la statistique. Une réalité peu explorée par le corps médical, voire un sujet tabou. «On leur déconseille de s'informer en ligne sous prétexte qu'on y trouve de tout et n'importe quoi. Il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Le corps médical oublie que cette source d'informations est aussi une chance incroyable de prendre en charge sa santé lorsque l'on sait s'en servir de façon pertinente. Il existe des communautés de patients extraordinaires qui échangent des informations riches, fiables et précieuses sur leur vécu, leurs traitements et la gestion de la maladie au quotidien.»
Les ePatients sont des patients actifs
Spécialiste de l'utilisation des réseaux sociaux en santé, Christine Bienvenu est ce qu'on appelle une ePatiente. Plus encore: un fer de lance du mouvement en Suisse romande. La spécificité de ces malades 4.0: mettre leur expertise acquise au fil du temps au service des autres. «Les ePatients sont des patients actifs, émancipés, qui s'investissent dans la prise en charge de leur santé et font bénéficier d'autres patients de leurs connaissances, résume le Dr Jean Gabriel Jeannot (PMU), sympathisant du mouvement. Mais le simple fait de rechercher des informations sur Internet à propos de votre maladie fait déjà de vous un ePatient.»
Christine Bienvenu – qui a dispensé des cours sur l'utilisation des réseaux sociaux au CHUV, à la PMU et aux HUG – a découvert en 2008 le potentiel desdits réseaux. Elle se débat alors dans les méandres du Web, cherchant de quoi souffre son fils. «C'est finalement grâce à des communautés de patients que j'ai pu trouver des informations sur le syndrome d'Asperger (ndlr: une forme d'autisme) et réaliser que mon fils avait tous les symptômes. Cela a permis de poser un diagnostic puis de trouver les bons professionnels. Au début de mes recherches sur Internet, j'étais submergée de données; je ne savais plus où donner de la tête. Comme je ne trouvais pas de source d'informations pratiques, pertinentes et adaptées aux Romands, j'ai décidé de créer la plate-forme dont je rêvais.»
Partage sur Facebook
C'est la naissance du groupe Facebook «Aspie Romandie», décliné ensuite sur Twitter. Comment gérer l'école et les assurances lorsqu'on a un enfant atteint du syndrome d'Asperger? A quelles associations demander de l'aide? Les 300 membres du groupe Facebook partagent leurs expériences et s'entraident. «Contrairement aux forums un peu fourre-tout, nous répondons directement à la personne qui fait part de son problème précis, explique Christine Bienvenu. Internet ne remplacera jamais une consultation médicale mais l'intelligence collective découlant du vécu est un savoir pratique complémentaire à celui fourni par les professionnels.»
En 2010, la Vaudoise apprend qu'elle souffre d'un cancer du sein. Là encore, elle crée une communauté numérique d'échange entre Romandes où elle publie, notamment, les dernières émissions sur le sujet.
Twitter, une chance pour les malades
Les réseaux sociaux sont une chance pour les malades, martèle-t-elle. «Twitter, par exemple, est un outil fabuleux. Avec un bon hashtag (#ePatient, #BreastCancer, #AspieMom, #ImpliquonsLesPatients…), on a accès à des infos récentes et nombreuses. Les médecins ne peuvent pas être au courant de tout. Twitter permet de trouver des traitements, des études, puis de demander aux professionnels si cela nous correspond. Des patients ont eu vent grâce à cet outil des essais cliniques auxquels ils n'auraient jamais eu accès.»
Du patient informé à la médecine participative, il n'y a qu'un pas que cette Québécoise d'origine a déjà franchi. «La médecine est encore très paternaliste en Suisse, regrette-t-elle. On nous dit quoi faire et comment; il faut suivre sans poser de questions. Cela convient à certains mais moi, cela ne me suffit plus. J'ai mûri dans ma maladie. Je connais ses spécificités. Je veux être entendue.» Elle s'est ainsi tournée, au fil des ans, vers des médecins qui ne travaillent pas seulement «pour» leur patientèle mais «avec» elle. Si elle déniche un article intéressant, elle l'envoie à son oncologue par mail et cette dernière lui donne son avis.
Eviter les moteurs de recherche
Le Dr Jean Gabriel Jeannot fait partie de la minorité de médecins qui exploitent déjà les technologies de l'information. Il déplore le fait que, trop souvent, les malades n'osent pas avouer qu'ils sont allés pianoter sur leur clavier. «S'informer sur Internet permet un partenariat plus riche et une meilleure relation entre patients et soignants, en plus de mieux connaître sa maladie et d'être acteur de sa prise en charge. Le patient mieux informé a des questions plus intéressantes car il a eu le temps d'y réfléchir au calme chez lui, entre deux consultations.» Encore faut-il savoir où obtenir des informations pertinentes. Le professionnel donne des conférences grand public pour apprendre comment trouver une information médicale de qualité sur la Toile – la première règle étant d'éviter les moteurs de recherche – ou comment gérer sa santé grâce à de «bonnes» applications mobiles.
Les professionnels à la traîne
Christine Bienvenu donne elle aussi des conseils pratiques sur son blog. «En matière d'infos médicales, comme pour les fake news, des compétences sont nécessaires pour faire le tri. Il faut donc former les citoyens. Savoir chercher les bonnes informations, savoir mettre les choses dans leur contexte pour sa propre situation, cela s'apprend. On le fait quand on veut acheter une voiture. N'est-ce pas encore plus important quand il s'agit de sa santé?»
En 2017, les médecins ne peuvent plus s'attendre à ce que les patients ne cherchent pas des informations en ligne. Problème: la profession est à la traîne, numériquement parlant. Pour Christine Bienvenu, ils auraient tout intérêt à se mettre à la page. «S'ils étaient davantage présents sur Internet, ils sauraient que l'utiliser comme un outil pédagogique permet de gagner du temps en matière de sensibilisation. Ils pourraient aussi chercher des ressources de confiance pour les suggérer à leurs patients, voire même leur demander s'ils ont des sites à leur recommander. Après tout, ce sont eux qui vivent avec leur maladie au quotidien.»
www.epatiente-suisse.ch@SuissePatiente.
Cancer du sein:www.facebook.com/Seinplement.Romandes.ch@SeinplmtRomande
Syndrome d'Asperger:www.facebook.com/Aspie.Romandie.chwww.facebook.com/groups/aspie.romandie@AspieRomandie.
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