Atlas de botanique urbaineLes mauvaises herbes ont bonne réputation
Défrichant les rues bruxelloises, Olivia Molnár et Aldwin Raoul atterrissent à Lausanne ou Tombouctou.

Non seulement les mauvaises herbes s’enracinent, mais les diablesses se ramifient par-delà les frontières. C’est ainsi qu’arpentant les chaussées bruxelloises, Olivia Molnár et Aldwin Raoul se sont vus transportés, replantés, à Lausanne ou Tombouctou, en Chine ou en Mongolie, à mesure que ces botanistes creusaient les racines de leurs découvertes. «L’Atlas des plantes de mauvaise vie», avancent ces amateurs éclairés, leur a été soufflé par l’écrivain Georges Perec.
Pour mémoire, sujet à la bougeotte citadine, le grand patron de «l’infra-ordinaire» en avait établi une tournure de pensée, manière, disait-il, de «fonder sa propre anthropologie, celle qui parlera de nous, qui ira chercher en nous ce que nous avons si longtemps pillé chez les autres.» Dans la pratique, ce curieux des banalités les plus crasses, des bruits de fond et du fond des choses, apprend à regarder sous ses pieds. À sa suite, les auteurs s’interrogent sur trente et un brins d’herbes enchâssés dans les pavés et les arrachent à la gangue de l’ignorance.
«Porteuse d’alcaloïdes qui poussent aux hallucinations délirantes, la datura se développe volontiers dans les friches autour des voies ferroviaires. Imaginez combien le MCBA lausannois va fructifier à son voisinage!»
Des mondes s’ouvrent, qui repoussent le macadam ou mieux encore, se parent de vertus médicinales. Ou folkloriques, guerrières, esthétiques. Quand ce n’est pas la sorcellerie qui s’en mêle… ainsi au hasard, de la datura dont les patronymes annoncent un programme chargé, pomme du diable, herbe des taupes, pois de souris, endormie etc., en un mot, «la plante qui rend fou». Porteuse d’alcaloïdes qui poussent aux hallucinations délirantes, idées fantastiques, gesticulations bizarres entre autres symptômes, cette élégante se développe volontiers dans les friches autour des voies ferroviaires. Imaginez combien le MCBA lausannois va fructifier à son voisinage!

Amoureux de ces «dames de petites vertus», les auteurs trottinent de l’une à l’autre avec une séduction inépuisable. D’ailleurs, ajoutent-ils, il serait bon de ne plus négliger ces «reines de l’interstice» – 82% de la biomasse vivante sur Terre, les animaux et l’homme représentant 0,5%. Avec humour, concluent Olivia Molnár et Aldwin Raoul, la moindre des politesses serait de connaître l’un ou l’autre nom de ces plantes croisées chaque jour.

«Atlas des plantes de mauvaise vie»
Olivia Molnár et Aldwin Raoul
Éd. Helice Helas, 73 p.

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