Les attentes des marchés concernant les taux d’intérêt ont augmenté compte tenu de la solidité des données économiques américaines.
Les chiffres économiques remettent en cause les scénarios élaborés par les marchés financiers. Les attentes concernant le ralentissement de l’économie américaine ont été démenties par une activité qui demeure robuste, tandis que l’inflation baisse plus lentement que les investisseurs ne l’avaient espéré. Une trajectoire volatile vers une inflation plus faible paraît inévitable.
Au cours des six premières semaines de 2023, les marchés ont progressé dans l’idée que la Réserve fédérale (Fed) pourrait ralentir ses hausses de taux à mesure que l’économie américaine faiblira. Cependant, celle-ci fait preuve de résilience. Plus d’un demi-million de nouveaux emplois ont été créés en janvier. Les ventes au détail ont connu leur plus forte augmentation depuis deux décennies.
En parallèle, l’inflation reste obstinément élevée. Hors les secteurs de l’alimentation et de l’énergie, l’inflation des prix à la consommation a connu une hausse de 0,4% en janvier par rapport à décembre, renversant ainsi trois baisses mensuelles consécutives. La jauge de l’inflation préférée de la Fed – l’indice des dépenses de consommation personnelle – a aussi progressé en janvier. Les investisseurs envisagent désormais un scénario de croissance continue et d’inflation supérieure à la tendance, et ont intégré des taux d’intérêt plus élevés. Les contrats à terme sur les fonds fédéraux suggèrent désormais que les taux directeurs culmineront autour de 5,5% et s’y maintiendront plus longtemps, ce qui est plus conforme à l’orientation de la Fed.
«Une trajectoire volatile vers une inflation plus faible paraît inévitable.»
Le scénario de la désinflation a-t-il pris fin aux États-Unis? Nous ne le pensons pas. Les indices des loyers basés sur le marché s’orientent à la baisse, et l’inflation des services devrait suivre dans les mois à venir, prenant le relais de l’inflation des biens (dorénavant normalisée) comme principal vecteur de désinflation. Toutefois, pour remédier à un marché de l’emploi tendu et à la forte croissance des salaires, la Fed devra redoubler d’efforts. Ses outils monétaires sont moins efficaces dans les domaines où l’offre de main-d’œuvre et la concurrence pour attirer les travailleurs constituent des facteurs clés.
La banque centrale américaine devrait poursuivre son relèvement des taux directeurs en mars, mai, et peut-être même juin, pour atteindre un taux terminal autour de 5,5%, ce qui devrait ramener l’inflation à environ 3% d’ici à fin 2023. Une éventuelle remontée des prix des matières premières – liée à la guerre en Ukraine ou à la hausse de la demande chinoise – constitue un autre risque externe pour les perspectives d’inflation.
La croissance américaine restera-t-elle robuste en 2023, malgré le durcissement des conditions financières? L’une des explications possibles de la solidité des données récentes est que le ralentissement anticipé se trouverait déjà derrière nous, après deux trimestres consécutifs de légère contraction de l’économie. Mais les températures clémentes de l’hiver ont probablement contribué aux chiffres de ce début d’année.
Un jour ou l’autre, l’épargne excédentaire accumulée par les consommateurs pendant la pandémie s’épuisera. Les banques américaines ont durci leurs exigences de prêts et resserré les normes de crédit. Les secteurs économiques sensibles aux taux, tels que la construction et les mises en chantier, les demandes de prêts hypothécaires, les prêts aux entreprises et les investissements se sont déjà nettement affaiblis. Dans ce contexte, l’économie américaine devrait connaître des épisodes récessifs cette année, à mesure que l’investissement privé se contractera et que la croissance de l’emploi ralentira.
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Regard éco – Les marchés financiers déposent les armes devant la Réserve fédérale