
Le 13 février prochain, les Suisses voteront sur l’initiative populaire intitulée «Oui à la protection des enfants et des jeunes contre la publicité pour le tabac». Une loi fédérale sur les produits du tabac a été adoptée l’an dernier. L’initiative va plus loin. Notre invitée Laurence Fehlmann Rielle soutient l’initiative, alors que notre invité Bertrand Reich juge la loi complète et plus facile à appliquer.
Protégeons les jeunes des méfaits du tabac
En Suisse, 9500 personnes meurent chaque année des suites de maladies dues au tabac et cela représente 15% de tous les décès. Le tabagisme constitue toujours la première cause de mortalité évitable dans le monde. Il s’agit donc d’un problème majeur de santé publique.
Les faits sont clairs: plus on commence à fumer jeune, plus longtemps on fumera! Environ un tiers des 15-25ans fument.
Il est maintenant reconnu que la publicité joue un rôle important dans le début d’une carrière de fumeurs et de fumeuses et que les jeunes sont très réceptifs aux messages publicitaires.
L’industrie du tabac développe des stratégies très subtiles pour promouvoir ses produits. Elle met en avant des valeurs prisées par les jeunes: l’aventure, le succès, la décontraction, etc. C’est la raison pour laquelle les cigarettiers sont très présents dans les festivals, où ils apparaissent comme des promoteurs de la culture. Contrairement à ce qu’affirme l’industrie, les gens qui fument ne changent que rarement de marques. La publicité vise donc à recruter une nouvelle clientèle, à savoir la jeunesse.
Dans son message sur l’initiative, le Conseil fédéral reconnaît que cette dernière aurait non seulement un impact positif sur la santé des mineurs mais aussi sur l’ensemble de la population. Elle favoriserait également une diminution des coûts liés au tabagisme, qui s’élèvent à 5,6milliards de francs par an (coûts directs et indirects).
Ne nous laissons pas abuser par les slogans des opposants, qui nous menacent de voir la publicité pour les cervelas et autres saucisses interdite en cas de succès de l’initiative.
Rappelons-nous simplement que la nicotine crée une dépendance sévère et que la fumée de tabac engendre des maladies mortelles. Le tabac est un produit légal et il ne s’agit pas de l’interdire mais de protéger les plus vulnérables, à savoir les mineurs.
La loi qui a été votée au parlement en septembre 2020 (et qui fait office de contre-projet indirect) ne sert à rien, car elle interdit la publicité qui n’a que peu d’impact sur les jeunes ou qui est déjà prohibée dans certains cantons, dont Genève (bâtiments publics, affichage, transports publics). Or, la publicité qui touche le plus les mineurs, celle qui figure dans la presse gratuite, dans les festivals et sur internet, sera toujours autorisée.
On voit en ce moment fleurir des offres promotionnelles pour des paquets de cigarettes dans certains journaux gratuits. Ces publicités prétendument adressées aux adultes touchent tout autant les jeunes.
Actuellement, les sondages sont largement favorables à cette initiative demandant une interdiction de la publicité ciblant les jeunes.
Soutenir cette initiative, c’est diminuer le nombre de jeunes démarrant un tabagisme.
La loi votée par le parlement suffit
Nul ne conteste les effets néfastes du tabac, tant pour la santé que pour l’économie (absentéisme lié aux maladies; coûts de la santé). On sait en outre qu’il existe un lien entre la publicité, sous ses différentes formes, et le début de la consommation des produits à base de tabac, en particulier chez les jeunes, et que la population suisse se montre favorable à des mesures législatives efficaces dans le domaine de la prévention du tabagisme.
Dans notre pays, la publicité pour les produits du tabac est ainsi interdite à la télévision et à la radio, ainsi que la publicité ciblant spécifiquement les jeunes.
Se saisissant de cette problématique, le parlement a adopté le 21octobre 2021 une loi sur les produits du tabac, qui entrera prochainement en vigueur (délai référendaire au 20janvier 2022), indépendamment du sort de l’initiative.
Cette loi prévoit notamment les mesures suivantes:
Interdiction de la vente de produits du tabac et de cigarettes électroniques aux jeunes de moins de 18ans.
Interdiction de la publicité pour le tabac sur les affiches, dans les cinémas, sur les terrains de sport, ainsi que dans et sur les bâtiments publics et les véhicules des transports publics.
Interdiction de la publicité qui cible les mineurs.
Interdiction de parrainage de manifestations destinées aux jeunes.
Interdiction de parrainage d’événements à caractère international.
Interdiction totale (pour les mineurs et les adultes) de distribution d’échantillons gratuits.
Aussi bien dans l’initiative que dans la loi adoptée, la publicité dans des prospectus s’adressant à des adultes reste possible. La loi adoptée va plus loin que l’initiative en interdisant toute distribution d’échantillons gratuits, alors que l’initiative permet une telle distribution aux jeunes adultes, ne la prohibant que pour les mineurs. Il est à noter que la remise à titre gratuit et la vente de produits du tabac et de produits assimilés au tabac aux mineurs est déjà interdite dans la quasi-totalité des cantons, dont celui de Genève (depuis 2020). En revanche, l’initiative se distingue en ciblant la publicité dans la presse, dans les kiosques et sur internet, qui ne serait licite que si elle n’était pas «accessible» aux mineurs. Des journaux économiques, des quotidiens locaux, des revues techniques complexes doivent-ils être considérés comme «accessibles» aux mineurs?
La loi adoptée par le parlement fédéral offre une large protection et propose un ensemble de mesures pertinentes et aisément compréhensibles. Elle entrera en vigueur indépendamment de l’initiative. L’adoption de celle-ci créerait dès lors de la confusion: la distribution d’échantillons gratuits à des jeunes de 18 ans serait-elle alors interdite, comme le prévoit la loi, ou autorisée, comme cela découle de l’initiative? Devra-t-on interdire les journaux qui comportent de la publicité pour le tabac au motif qu’ils seraient accessibles aux mineurs? Refuser l’initiative permet de bénéficier du cadre légal clair et adéquat fixé par le parlement fédéral.
Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.
Face-à-Face – Les jeunes et le tabac
La conseillère nationale socialiste Laurence Fehlmann Rielle et le président du PLR genevois Bertrand Reich s’expriment sur l’initiative «Oui à la protection des enfants et des jeunes contre la publicité pour le tabac».