Concours de la «Tribune de Genève»Les Jardins de la Gradelle gagnent le Prix d’architecture
À partir d’une sélection de dix bâtiments récents, le public était appelé à désigner son immeuble locatif préféré à Genève. Et à définir ce qu’est un habitat de qualité.

Apprécié pour sa parfaite intégration dans la nature, plébiscité pour son esthétique originale, l’ensemble des Jardins de la Gradelle, signé du bureau d’architectes Lin.Robbe.Seiler (LRS), a gagné le Prix d’architecture de la «Tribune de Genève», un concours organisé en collaboration avec le Département du territoire. Le prix vient d’être remis au lauréat. «Nous sommes évidemment très contents, d’autant plus qu’il s’agit d’un prix du public. C’est toujours gratifiant pour les architectes, qui évoluent beaucoup dans leur cercle d’expertise, de savoir que leur ouvrage plaît au grand public», commente Rolf Seiler.
Fair-play, l’architecte explique le succès de cet ouvrage en faisant le lien avec les conditions particulièrement favorables dont il a bénéficié: «Un maître d’ouvrage qui a privilégié la qualité plutôt que le rendement à court terme, une densité limitée, un contexte paysager exceptionnel, tout cela a beaucoup aidé. Les autres ouvrages du concours ont tous des qualités très intéressantes, mais, parfois, peut-être moins évidentes à percevoir pour le grand public.»
La deuxième place revient à la coopérative d’habitation de Soubeyran, du bureau Atba, qui allie béton et verdure et privilégie le «vivre-ensemble»; et en troisième position, dans un tout autre style, la tour des Charmilles, ouvrage du bureau 3BM3 qui marque fortement ce quartier urbain de son empreinte. «Ce trio gagnant illustre parfaitement la variété architecturale que l’on rencontre à Genève», se réjouit le conseiller d’État chargé de l’aménagement du territoire, Antonio Hodgers.



Le concours mettait en concurrence dix immeubles locatifs présélectionnés, des ouvrages construits au cours de ces dix dernières années. Ils ont été présentés ces dernières semaines à travers une série de reportages réalisés en compagnie des architectes, parfois des maîtres d’ouvrage. Tous ont pu expliquer les intentions de leur réalisation, les choix qu’ils ont eu à faire, notamment en raison des contraintes auxquelles ils ont dû faire face. Car construire du logement à Genève n’est jamais simple! L’idée de ce concours était de dépasser les critiques à l’emporte-pièce souvent entendues quand on parle d’architecture dans le canton.
Il faut être honnête, on n’y a pas totalement échappé. Au lancement de l’opération, les râleurs chroniques trouvant que «de toute façon, tout est moche» n’ont pas manqué de se manifester sur les supports numériques de la «Tribune de Genève». Ceux qui ont voté, en revanche, se sont visiblement intéressés au débat. Quelque 1200 personnes sont allées jusqu’au bout du sondage qui accompagnait le vote. Car l’idée était aussi de recueillir l’avis du public sur l’architecture à Genève: qu’est-ce qui fait la qualité d’un immeuble d’habitation? Quels sont les critères importants que doivent avoir les locatifs qui se construiront demain?
Les participants devaient d’abord désigner dans l’ordre leurs trois immeubles préférés et justifier ce qui a déterminé leur choix. L’esthétique du bâtiment, les espaces intérieurs et extérieurs, ainsi que les matériaux utilisés apparaissent comme les critères les plus importants. Une constante apparaît par ailleurs: quel que soit leur choix, les votants ont souvent été sensibles, et cela pour chaque ouvrage, «à l’esprit ou au concept du bâtiment», signe que les intentions des architectes trouvent de l’écoute auprès du public.
Rapport idéalisé à la nature
L’analyse des projections sur les critères qui comptent pour l’habitat de demain laisse apparaître une tendance intéressante: les Genevois plébiscitent des ouvrages qui, à leurs yeux, parviennent à mettre en relation les habitants avec l’environnement, qu’on imagine avec des espaces verts, y compris en milieu urbain. Comme si la nature, idéalisée même lorsqu’on parle de bâti en ville, ne devait jamais être loin. On se projette ainsi dans des immeubles locatifs qui conservent des «espaces de nature», qui sont dotés de «généreux balcons ou de terrasses» pour communier avec l’extérieur, et qui répondent à des «standards écologiques très élevés».
Ces valeurs transparaissent aussi fortement dans les commentaires laissés par les lecteurs qui ont voté pour les Jardins de la Gradelle, sis en bordure de la commune de Cologny: «La géométrie presque organique des bâtiments, leur disposition sur la parcelle, les espaces extérieurs (terrasses et balcons) particulièrement réussis, la légèreté des matériaux utilisés donnent à cet ensemble un aspect tout sauf massif et lourd, que l’on retrouve malheureusement dans la majorité des constructions actuelles», écrit un votant ou une votante. «Ces bâtiments s’inscrivent très bien dans la nature avoisinante et le jeu de textures les rend très jolis suivant les rayons du soleil. J’apprécie particulièrement la verdure en friche tout autour, plutôt sous forme de prairie que de gazon taillé», relève une ou un autre. Cette relation forte à la nature est saluée pour d’autres locatifs, comme celui du quartier de la Concorde: «La conception préserve la quasi-totalité de l’existant végétal. Il est construit avec et autour de cet existant.»
Globalement, l’envie de concepts architecturaux inventifs, privilégiant l’esthétique mais aussi des approches «humaines», est mise en avant. Les suffrages qui sont allés vers les coopératives d’habitation ou vers des concepts privilégiant le vivre-ensemble s’accompagnent le plus souvent de telles louanges: «C’est conçu pour que les utilisateurs se sentent responsables et veillent à coopérer les uns avec les autres» (Soubeyran); «Ce projet reflète le vivre-ensemble et l’écoconstruction, avec une façade en bois, des espaces généreux et animés. Une vraie vie d’immeuble!» (Rigaud 55, Bonhôte Zapata Architectes); «L’idée des patios est géniale et sous-entend une vie à l’intérieur, à l’image d’une miniville, ça me plaît.» (Les Sciers, Menoud-Graf); «Les parties communes, très originales, qui font penser à une place de village» (Vessy, Atelier Bonnet Architectes).
Des tours sous condition
«Marre des cubes et des barres sans âme», clament aussi au passage des lecteurs dans leurs commentaires. L’idée de densité, qui génère des débats animés dans le canton, semble acceptée à condition qu’une densification par la verticalité permette de préserver des espaces verts et de contenir le prix des loyers. «Libérer de l’espace au sol en construisant en hauteur, c’est ce qu’il faut promouvoir, au lieu de miner nos campagnes. Cette tour est un très bel exemple, très réussi, qui prend à merveille la lumière», écrit un ou une adepte de la tour Opale de Chêne-Bourg (Lacaton & Vassal). «À Genève, où nous validons malheureusement trop souvent des réalisations de compromis, sans vague, je trouve particulièrement important de marquer la ville d’empreintes architecturales. Il faut varier le paysage urbain entre verticalité et réalisation plus basses, tout en y intégrant des espaces verts», souligne un ou une fan de la tour des Charmilles.
Le souci environnemental et climatique est souvent évoqué chez les sondés. Il faut construire en tenant compte de cette donne. La pierre et le bois, s’inscrivant dans cette tendance du moindre impact, arrivent en tête des matériaux préférés. «L’usage de la pierre me séduit, écrit un votant au sujet de l’immeuble des Sciers d’Archiplein. Il est dans la continuité de la tradition de l’utilisation de la pierre à Genève. De plus, c’est un matériau durable.» Semblable analyse est faite pour l’immeuble voisin des architectes Bassi-Carella-Marello, jugé comme «l’expression de la ville moderne avec sa façade durable.»
Relire l’ensemble du dossier et la présentation des dix immeubles locatifs du concours.
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