
Être un conseiller fédéral UDC. S’être opposé à toutes les mesures visant à réduire la part des énergies fossiles et avaler, une fois au pouvoir et sans broncher, les publications stratégiques de ses services qui contredisent toutes ses idées, cela relève de l’abnégation ou de l’humiliation politique. Eh bien, c’est ce que vit le conseiller fédéral Albert Rösti.
Ainsi, l’Office fédéral de l’énergie (OFEN) vient de publier un document très important: «Stratégie chaleur 2050». Ou, pour le dire de manière plus simple, comment la Suisse entend couvrir ses besoins thermiques (chauffage, processus industriels) d’ici à 2050 par des énergies renouvelables, tout en restant neutre au plan climatique. C’est aussi important, sinon davantage que les questions liées à l’approvisionnement électrique du pays. Il faut savoir que les besoins en chaleur représentent 50% de la consommation énergétique du pays et sont à l’origine de 35% des émissions de gaz à effet de serre. Selon l’OFEN, la chaleur ambiante et l’eau chaude sont actuellement toujours produites en grande partie avec des énergies fossiles. Plus des deux tiers de la chaleur utilisée dans les entreprises de services et 60% de celle consommée dans les ménages (dont 35% de mazout et 25% de gaz naturel) sont d’origine fossile. L’industrie, elle, tire l’essentiel de ses besoins de chaleur à partir du gaz naturel. Dans son document, l’OFEN estime que la Suisse peut remplacer les énergies fossiles par des énergies renouvelables. Mais, et c’est là que cela devient intéressant pour notre conseiller fédéral Rösti, à condition d’accélérer les mesures visant à remplacer les chauffages à mazout et au gaz (remplacement auquel M. Rösti s’opposait… encore en juin 2022), de renforcer les minima (standard) pour la rénovation et les constructions neuves, d’augmenter progressivement la taxe sur le CO2 prélevée sur les combustibles et de nouer de bonnes relations avec nos voisins (l’Union européenne) pour s’assurer que nous puissions compter sur les réseaux d’hydrogène et de gaz synthétiques qui nous permettront de stocker l’énergie durant les mois d’hiver.
Et l’OFEN insiste: «Les mesures actuellement en vigueur ne suffisent pas pour atteindre cet objectif et des efforts supplémentaires sont nécessaires sur le long terme.» En clair, il faut mettre en œuvre la stratégie énergétique 2050 à laquelle le conseiller national Albert Rösti s’est toujours opposé! Bien sûr, tout n’est pas encore coulé dans le bronze. Mais le parlement avance à petits pas, contraint par l’initiative sur les glaciers. Plusieurs Cantons préparent un renforcement des normes et planifient de nouveaux réseaux pour augmenter l’énergie tirée de la géothermie profonde et des lacs. Une loi sur l’approvisionnement de la Suisse en gaz et une stratégie hydrogène sont en préparation. En février, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) publiera son rapport sur la Suisse et l’on devine déjà la nature des critiques qui seront formulées (la Suisse est trop lente dans le déploiement de sa stratégie).
Albert Rösti va découvrir que le sens de l’histoire peut difficilement être inversé.
Alors que peut faire Albert Rösti? Ralentir le renforcement des mesures? Difficile à imaginer, car il existe un large consensus, y compris dans les milieux économiques, pour accélérer les décisions. Relancer l’idée d’une centrale nucléaire? Un objectif à très, très long terme. On a cru comprendre qu’il allait demander à l’OFEN d’étudier la possibilité de verser des subventions aux centrales nucléaires pour faciliter la prolongation technique de leurs activités aussi longtemps que possible. En clair, Albert Rösti va découvrir que le sens de l’histoire peut difficilement être inversé. Que les faits sont têtus, quelles que soient les convictions d’un ancien lobbyiste du pétrole.
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La chronique économique – Les idées et la réalité d’Albert Rösti
La Confédération vient de publier sa feuille de route pour les besoins en chaleur de la Suisse. À l’opposé du discours du nouveau ministre de l’Énergie.