Les habitants de Lesbos font reculer le gouvernement
Après trois jours d'affrontements entre manifestants et policiers, Athènes suspend la construction de centres de rétention pour migrants.

Sous les jets de pierre et les huées des habitants de Lesbos, le «Nosos Rhodos» a évacué jeudi en catastrophe la plupart des bataillons de MAT (unités antiémeutes de la police) arrivés lundi sur l'île. Battant en retraite de façon désordonnée, les policiers ont riposté jusqu'à leur embarquement, par des tirs de gaz lacrymogènes et de grenades aveuglantes, après avoir matraqué les manifestants qui les poursuivaient et saccagé tout ce qu'ils trouvaient sur leur passage: mobylettes et voitures, dont une avec de jeunes enfants à bord.
Cette violence s'explique par les événements des derniers jours et l'exaspération accumulée. Depuis de nombreuses années, ces îles de la Mer Égée, situées à quelque kilomètres de la Turquie, voient arriver quotidiennement un flux ininterrompu de réfugiés sur des bateaux de fortune.
Conditions épouvantables
Après une période d'accalmie, le trafic a repris. Et la Grèce est désormais redevenue la première porte d'entrée de réfugiés en Europe, loin devant l'Italie et l'Espagne. On estime que plus de 60'000 personnes sont retenues en Grèce, depuis la fermeture des frontières qui a suivi l'accord de 2016 entre la Turquie et l'Union européenne.

Plus de 40'000 migrants ont déposé leur demande d'asile à partir de la Grèce et attendent une réponse, dans des conditions épouvantables. Ils s'entassent dans des camps surpeuplés, officiellement prévus pour 6200 personnes, où arrivent chaque jour de nouveaux réfugiés. Au mois de janvier, les demandes d'asile ont augmenté de plus de 70% par rapport à janvier 2019, provenant de personnes en majorité jeunes (entre 18 et 34 ans), de nationalité afghane, syrienne, pakistanaise, congolaise, irakienne et somalienne.
Intenable
La situation est devenue intenable. Pour les réfugiés d'abord, parqués dans des conditions innommables et perdant tout espoir d'une vie meilleure. Ils ont participé ces dernières semaines à de nombreuses manifestations, demandant de quitter l'île pour partir vers d'autres pays d'Europe. Et pour les îliens. Descendants de déplacés venus de Turquie au siècle dernier, ayant entendu leurs parents et grand-parents raconter les mêmes affres de l'exil, ils avaient accueilli ces réfugiés avec beaucoup d'humanité. Mais la détérioration de la situation, l'indifférence du gouvernement central et la désaffection des instances européennes les ont incité à se révolter eux aussi.
«Rendez-nous nos îles, rendez-nous nos vies.» La banderole accrochée sur la façade du théâtre municipal de Mytilène, capitale de Lesbos, dit le désarroi de cette population qui a tout perdu. L'afflux des migrants a bouleversé la vie des insulaires: économie touristique en chute libre, pêche en recul, insécurité, dumping social C'est un prêtre, le père Papastratis, qui résume le mieux la situation: «Les réfugiés vivent ici comme des animaux. Ils veulent aller ailleurs pour vivre mieux. C'est ce que nous voulons aussi. Nous nous battons pour eux et pour nous.»
Ainsi, lorsque le gouvernement conservateur, arrivé au pouvoir en juillet, a fait fi des semaines de pourparlers infructueux avec les autorités locales et décidé la construction de cinq centres fermés de 7000 places dans chacune des îles (Lesbos, Chios, Samos, Leros et Kos), la population s'est unie pour refuser ce plan. Des rangs de l'extrême droite antimigrants aux milieux antifascistes promigrants, en passant par la majorité exaspérée, tous se sont mobilisés. «Il y a une limite à notre patience. Ils réquisitionnent des terres et envoient la police antiémeutes, utilisent les lacrymogènes contre les gens. Sommes-nous en guerre? Si oui, la police a des armes, mais, nous avons nos cœurs et nos âmes», dit un manifestant.
Urgence sanitaire
Une grève générale, soutenue par les autorités, commerçants, syndicats et associations des îles a été décrétée mercredi et reconduite jeudi. Les heurts ont éclaté mercredi lorsque les MAT ont voulu disperser les manifestations à coups de gaz lacrymogènes et de camions à eau. Les habitants ont riposté avec des jets de pierres et des cocktails Molotov, provoquant plusieurs feux de forêt et blessant une quarantaine de policiers.
Le gouvernement a battu en retraite, mais persiste dans son plan de construction de nouveaux camps, invoquant l'urgence sanitaire avec l'épidémie de coronavirus. Le premier ministre a reçu jeudi soir toutes les autorités des îles à Athènes. Pour l'instant sans résultat et surtout sans réaction de la part de l'Union européenne.
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