Les enseignants vont être formés au phénomène de la radicalisation
Le personnel des écoles va apprendre à repérer les élèves à risque, en étant attentif à un environnement familial et social fragilisé ou à des pratiques religieuses hyperritualisées.

Pas d'alarmisme, pas d'angélisme, mais du pragmatisme. L'école genevoise s'engage davantage dans la lutte contre la radicalisation, islamiste ou autre. Le Département de l'instruction publique (DIP) lancera dès l'année prochaine des formations pour aider le personnel à repérer et accompagner au mieux les élèves à risque, a appris la Tribune de Genève. Une première en Suisse.
Dans un premier temps, il s'agit de former des référents pour chaque établissement. «De l'école primaire au cycle en passant par les centres de formation professionnelle, 250 personnes vont d'abord suivre deux jours de cours échelonnés entre février et avril 2018 pour apprendre à évaluer l'extrémisme violent, l'extrémisme islamiste, la propagande du groupe Etat islamique et les adolescents à risque», explique Anne Emery-Torracinta, cheffe du DIP.
Dans un deuxième temps, une sensibilisation de quarante-cinq minutes aura lieu dans les établissements pour toucher tout le personnel des écoles afin de transmettre les indicateurs de rupture et la procédure de prévention. «Nous ne voulions pas créer une usine à gaz. Les deux modules sont obligatoires et entrent dans le perfectionnement professionnel. Trois autres modules suivront, facultatifs, et entreront dans la formation continue.»
Un faisceau d'indices
Quels sont les objectifs de la formation? «Enseignants, conseillers sociaux, en orientation, infirmiers, soit tout le personnel qui côtoie au quotidien les élèves doit mieux reconnaître les signes avant-coureurs de la radicalisation», avance Anne Emery-Torracinta. Lesquels? «Le port du voile ou le fait de se laisser pousser la barbe ne constituent pas forcément des signes de radicalisation. Ceux-ci sont plus subtils.» Il faut être attentif à un faisceau d'indices tels que «l'environnement familial et social fragilisé, des pratiques religieuses hyper-ritualisées, un changement de comportement identitaire, un changement d'apparence physique, vestimentaire, alimentaire, des provocations verbales, des déclarations téméraires, des menaces de recourir à la violence.» On compte sur l'appréciation fine de chacun. Pas question d'utiliser comme à Zurich un logiciel pour reconnaître les signes de l'extrémisme.
La formation genevoise sera délivrée par des spécialistes: Mallory Schneuwly Purdie, cheffe de projet au Centre suisse islam et société à l'Université de Fribourg, Saskia von Overbeck, médecin spécialiste en psychiatre d'enfants, d'adolescents et d'adultes, Géraldine Casutt, chercheuse en sciences des religions à l'Université de Fribourg et Maja Perret-Catipovic directrice à la direction générale de l'Office médico-pédagogique. Coût de l'opération: 35 000 francs.
«Il faut prendre au sérieux le problème de radicalisation, qui n'est pas un épiphénomène, résume Anne Emery-Torracinta. Nous faisons face à un nouveau type de difficultés qui peut toucher la jeunesse. En agissant en amont, nous pouvons prévenir le décrochage, la désaffiliation, voire la radicalisation, et protéger les jeunes. C'est la mission du DIP.»
Huit cas remontés par le DIP
La démarche s'inscrit dans un dispositif de prévention plus large lancé en 2016 par le Canton. La plateforme «Gardez le lien» implique des acteurs dans les domaines de l'intégration, du social, de la sécurité et de l'enseignement. Elle vise à répondre aux craintes des citoyens à travers une ligne téléphonique (0800 900 777) et à appuyer les professionnels.
Le constat? «Il y a eu des situations d'alerte, relève Anne Emery-Torracinta. Des écoles ont signalé des problèmes qui ont été traités de manière transversale, entre différents départements, à travers la plateforme.» Concrètement, depuis le 1er décembre 2016, 35 signalisations ont été recensées par la plateforme, dont 8 cas ont été remontés par le DIP. Sans vouloir entrer dans les détails, la magistrate précise que sur ces 8 cas, certains étaient liés, et la situation a pu être désamorcée. En revanche, 2 cas plus sérieux ont été pris en charge par la Brigade de sûreté intérieure de la police.
«Genève fait partie des hot spots de la radicalisation en Suisse, rappelle André Duvillard, délégué au Réseau national de sécurité. Mais, grâce à une volonté politique, Genève est l'un des rares cantons à avoir mis en place une vraie stratégie de lutte contre la radicalisation.» Il salue donc l'initiative du DIP, qui n'a pas d'équivalent en Suisse à sa connaissance. L'expert compte même la citer en exemple dans son rapport recensant les vingt-cinq actions de prévention de la radicalisation et de réinsertion, qu'il rendra public en novembre.
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