Biennale des Arts inclusifsLes creux et les bosses universels de Caroline de Cornière
Au Galpon, la chorégraphe inscrit sa très belle «Correspondance» avec Maud Leibundgut au programme du festival Out of the Box.

Un environnement de rocaille sombre. Des fauteuils disposés en rond de sorte que chacun puisse s’observer dans son altérité. Au centre, un socle lui-même circulaire, sur lequel se tiennent debout deux silhouettes emmaillotées de noir. Des chevilles au sommet de la tête, le tissu épouse des creux et des bosses qu’on devine féminins – malgré telle excroissance fugace placée au niveau du bas-ventre. Chacune des sculptures laisse apparaître un pied chaussé, un autre gainé d’une socquette: hybrides et déséquilibrées à leur base.

Sur une nappe sonore où râle un accordéon (Fernando de Miguel), les formes entrent en mouvement en même temps qu’en dialogue. Courbes et arêtes se répondent, sinon identiques, du moins égales. Sous la douche de lumière délicatement opérée par Alessandra Domingues, les figures s’extirpent lentement de leur tube, sans cesser de se balancer ou de se tordre. À la vue des visages dévoilés, la féminité se confirme. À celle des chairs libérées, les microreliefs indiquent, ici, la signature de la cinquantaine, là, l’atrophie liée à un handicap. Voici un bras qui imite la cloche, un autre son battant. La différence a franchi le cap du visible. Mais la concordance n’en persiste pas moins.
Créée dans le cadre du festival Out of the Box, qui œuvre pour l’inclusion depuis dix ans maintenant, «Correspondance» assimile les accidents de la morphologie dans une même définition de la beauté. La chorégraphe genevoise Caroline de Cornière et sa partenaire de danse Maud Leibundgut y excluent à l’unisson toute notion d’anomalie.

Le subtil travail artistique suffit à la fois à faire parler les corps et à toucher au cœur. À faire taire les canons et voler en éclats les préjugés. L’intégrer à une programmation engagée, qui s’accompagne d’une parole à répandre, enrobe la pièce d’une couche discursive qui peut paraître superflue. Éternelle question de l’implication de l’artiste dans le champ sociétal: «Correspondance» sert une cause méritant certes d’être défendue; son éloquence, elle, ne mérite-t-elle pas d’être préservée tant de la redondance que d’une moralisation à outrance?
«Correspondance», jusqu’au 4 juin au Théâtre du Galpon, www.galpon.ch
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