Les crayons et l'humour viennent secouer le joug de la répression
La Fondation Cartooning for Peace décerne son Prix international du dessin de presse à Musa Kart, un célèbre caricaturiste turc.

«J'ai toujours eu foi en le pouvoir réformateur des cartoons.» L'homme qui s'exprime ainsi par le biais d'un petit film projeté en son honneur se nomme Musa Kart. Dessinateur emblématique du quotidien d'Istanbul «Cumhuriyet», ce fameux caricaturiste turc a reçu jeudi le Prix international du dessin de presse de la Ville de Genève, décerné par la fondation Cartooning for Peace. Remise tous les deux ans depuis 2012, cette récompense honore des cartoonistes talentueux, mis en danger en raison de leur art.
Lauréat 2018, Musa Kart vient rejoindre une liste où figurent notamment le Kényan Gado, le Malaisien Zunar et le Palestinien Hani Abbas. Accusé de soutenir une organisation terroriste hostile au régime turc, ce père de famille de 64 ans, également grand-père, a passé plusieurs mois en prison après la tentative de coup d'État de juillet 2016 contre le président Erdogan. Mais il subit les foudres du pouvoir depuis longtemps. En 2004 déjà, il avait été condamné à une forte amende pour avoir représenté Erdogan, alors premier ministre, en chat emmêlé dans une pelote de laine. En 2014, alors qu'Erdogan était devenu président, il avait été mis en examen pour «insulte au chef de l'État». Le 26 avril dernier, un tribunal turc le condamnait à trois ans et neuf mois de prison. En attendant la procédure d'appel, Musa Kart n'a pas été écroué, mais il reste soumis à un contrôle judiciaire et à une interdiction de quitter le territoire.
«La sentence est terrible. On ne s'imaginait pas que cela fut possible dans cette Turquie cosmopolite, ouverte sur le monde et proche de l'Europe il n'y a pas si longtemps. Clairement, une ligne rouge a été franchie», martèle Patrick Chappatte, vice-président de la fondation Cartooning for Peace. «Lorsque nous avons remis le prix pour la première fois, en 2012, nous n'envisagions pas que le vent de la répression allait se lever si près de nous et si rapidement», ajoute le Genevois, collaborateur du «Temps», du «New York Times» et de la «Neue Zurcher Zeitung».
Pour Jean Plantu, fondateur de Cartooning for Peace, «Musa Kart est victime de la dégradation de la liberté d'expression en Turquie». Le dessinateur du quotidien «Le Monde» relève que la liste est longue des pays où les professionnels de la presse risquent leur vie pour témoigner de la réalité qui les entoure.
«Un gouvernement sûr de son autorité ne cherche pas à tuer le débat», souligne de son côté Guillaume Barazzone, conseiller administratif de la Ville de Genève et membre du jury de Cartooning for Peace. Jeudi, le magistrat a rappelé que «sans presse, il n'y a pas de démocratie».
S'il fallait s'en convaincre, on arpentera jusqu'au 3 juin le quai Wilson. En 60 panneaux, une belle brochette de dessinateurs internationaux montre des cartoons incisifs sur trois thèmes d'actualité: droits de la femme, fake news et nouveaux murs. Parmi les exposés, Herrmann, de la «Tribune de Genève», et Chappatte. Sans oublier Musa Kart, bien sûr.
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