Beau livre et projet persoLes chefs romands ont leur madeleine en photo
Dominique Derisbourg a tiré le portrait à 50 chefs romands, en leur demandant leur souvenir gustatif, qu’il a photographié aussi.
Le Montreusien Dominique Derisboug a fait toute une carrière dans la photographie de mode mais il a une autre passion, la gastronomie. L’occasion de se demander ce que ces artistes du goût avaient gardé comme «madeleine de Proust», comme premier souvenir fort d’un goût.
Il a donc contacté des chefs romands en leur proposant de réaliser leur portrait, comme il l’avait fait avec 33 personnalités dans un projet en faveur de Fond’Action contre le cancer. Après avoir embelli ses modèles de mode, il revient au côté naturel, un éclairage, un portrait de face, torse nu, en noir et blanc. Si quelques cuisiniers ont refusé pour diverses raisons, la plupart ont été d’accord de se prêter au jeu, complétant leur portrait par un goût, un souvenir, un plat qui leur correspondait.
Le photographe a également enregistré une courte vidéo de chaque portraituré, qui a permis à l’écrivaine Anne-Frédérique Rochat d’écrire un court texte pour accompagner les deux photos, le visage et l’aliment en couleurs. Le tout sort dans un livre argenté sur tranche, édité à compte d’auteur, en vente exclusive chez Payot ou chez les chefs.
Le bel objet permet de retrouver quelques jeunes retraités, comme Gérard Rabaey, du Pont de Brent, qui explique combien «le feuilletage est une préparation qui a compté dans ma carrière». Ou l’icône Girardet et son soufflé aux fruits de la passion. Son successeur Franck Giovanni défend que le haricot peut être sublimé, comme dans ces ravioles où on le retrouve en purée, cru, cruit et dans la sauce. «En le goûtant, nos clients se revoient tout petits dans leur jardin en train de mordre dans un haricot. Et c’est ce qui est formidable, on provoque une émotion, on fait naître des des souvenirs, des images, avec un simple haricot vert.»
A la Gare de Cully, Jean-Luc Vermorel l’avoue: «Ce qui me plaît dans la féra, c’est sa simplicité, elle n’a pas un goût prononcé, et va donc très bien avec des épices, du citron vert, de la crème ou une sauce au vin, un bon vin de Lavaux.» A Fribourg, Pierrot Ayer parle de ce boudin qu’il a tant mangé qu’il en était lassé, avant de le retrouver et de le magnifier: «Ca m’a appris que les envies, les goûts varient au fil des années et qu’il ne faut pas rester sur un souvenir.» Alain Bächler, des Trois-Tours, se rappelle son cervelas.Stéphane Décotterd le mariage du Léman (féra) et du Grammont pour les herbes de montagne. A Saint-Légier, Julien Konrad voit dans le rôti de porc une tradition danoise.
«La madeleine du chef», Dominique Derisbourg et Anne-Frédérique Rochat, 120 p (chez Payot).