Ce titre, en forme d’écho aux «Conséquences économiques de la paix» de Keynes publiées
au sortir de la première Guerre mondiale, pourrait s’appliquer aux ravages infligés depuis
lors à l’Occident et désormais à l’Ukraine par une Russie empêtrée dans ses aventures
militaires et ses incohérences. Sans remonter jusqu’à la guerre russo-polonaise de 1919-
1921 ou aux guerres d’indépendance de l’Estonie et de la Lettonie qui l’ont de peu
précédée, on peut s’arrêter aux circonstances particulières qui ont présidé à la naissance de
l’Organisation des Nations Unies au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
Se souvient-on que Staline imposa aux Alliés de reconnaître, aux côtés de l’Union soviétique,
la participation de plein droit à l’Organisation des deux «Républiques socialistes
soviétiques» d’Ukraine et de Biélorussie, pourtant parties intégrantes de cette même
URSS, afin de rééquilibrer ce qu’il tenait pour le poids trop important du camp occidental,
nonobstant la présence des «démocraties populaires» de Pologne, de Tchécoslovaquie,
d’Albanie, de la RDA et de Yougoslavie – celles de Hongrie, de Roumanie et de Bulgarie,
alliées du Reich vaincu, devront attendre 1955 pour obtenir leur adhésion – parmi la
cinquantaine de membres fondateurs de l’ONU.
Ses affidés d’hier étant devenus à quelques exceptions près (la Hongrie de Viktor Orban surtout) ses adversaires d’aujourd’hui, la Russie poutinienne ne s’embarrasse guère de ce genre de contradictions, et continue d’en faire payer le prix au reste du monde. Car si les pays ex satellites de l’URSS, exclus naguère par sa seule volonté du cercle des bénéficiaires potentiels du plan Marshall, et privés de ce fait d’une aide qui aurait pu les hisser au même niveau de vie que celui atteint par l’Europe occidentale, n’ont rien eu de plus pressant, lorsque l’occasion s’en est présentée, que de s’arrimer à celle-ci, c’est bien qu’en définitive leur aspiration à la prospérité, désormais partagée par une Ukraine affranchie et libre de ses choix, est à ranger d’une certaine manière parmi les racines économiques des visées revanchistes du Kremlin.
Pour dire les choses autrement, l’attitude de plus en plus franchement hostile de la Russie à l’égard de ses voisins immédiats ne se serait jamais développée de cette façon si l’URSS n’avait pas fait barrage en 1947 à ce qu’elle avait considéré alors comme une intrusion américaine dans sa sphère d’influence ; et bien sûr si, cinquante ans plus tard, au lieu de sombrer dans le chaos et l’arriération économique sous la présidence de Boris Eltsine nonobstant les aides substantielles du Fonds monétaire international, de la Banque Mondiale et du Club de Paris, le pays avait pu échapper au pillage en règle de ses actifs par les oligarchies postsoviétiques.
Le traitement réservé à l’Ukraine, nation hier indispensable à une Russie qui la tient aujourd’hui pour parfaitement superfétatoire et lui dénie même le droit à l’existence, est révélateur de ces constants retournements. Pour des pays tels que les nôtres habitués à une certaine constance et à la sécurité offerte par l’État de droit, l’attitude erratique de cet encombrant colosse à leurs frontières est non seulement déstabilisante, elle est aussi devenue une sérieuse entrave au bon fonctionnement de leurs économies.
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Chronique économique – Les causes économiques de la guerre en Ukraine